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Daniel Buren annule une exposition à Pékin en soutien à l’artiste Ai Weiwei

Le sculpteur français Daniel Buren a décidé d'annuler une exposition de ses œuvres à Pékin pour protester contre la détention de l'artiste dissident Ai Weiwei, un personnage aussi célèbre pour son art que pour son activisme politique.

La semaine dernière, le sculpteur britannique d’origine indienne Anish Kapoor avait annoncé l’annulation d’une exposition de ses œuvres programmée en 2012 au musée national de Chine à Pékin, afin de protester contre la détention de l'artiste Ai Weiwei par les autorités chinoises.

Le sculpteur français Daniel Buren lui a emboîté le pas, vendredi, décidant d'annuler à son tour une exposition personnelle "par solidarité" envers l'artiste dissident chinois. Le père des fameuses "Colonnes de Buren" du Palais-Royal à Paris devait exposer à l'UCCA (Ullens Center for Contemporary Art) de Pékin à compter du 15 juillet prochain.

À 54 ans, l’artiste plasticien, architecte et bloggeur chinois Ai Weiwei a été arrêté le 3 avril à Pékin alors qu'il tentait de se rendre à Hong Kong, pour rejoindre ensuite l'Allemagne. Les autorités chinoises l'accusent d'évasion fiscale et "de crimes économiques". Son arrestation et sa détention en un lieu tenu secret ont provoqué une mobilisation internationale au sein des milieux artistiques. Washington, Londres, Paris et l'Union européenne ont appelé de leur côté à la libération de l’artiste.

Le musée Guggenheim à New York a notamment lancé une pétition en ligne qui a recueilli 142 755 signatures jusqu’à ce jour. D’autres institutions culturelles de renommée internationale telles que le musée d’art moderne de New York, la Tate Modern de Londres, la Biennale de Gwangju ou encore le musée national d'art moderne de Paris ont soutenu cette initiative qui appelle à la libération de Weiwei, en diffusant la pétition via leurs sites respectifs Internet, Twitter et Facebook.

L’activisme de Weiwei irrite le régime

Artiste engagé, Weiwei est surtout connu pour sa participation à la conception du stade national olympique de Pékin, l'emblématique "nid d'oiseau" des JO de 2008. Ses photographies et ses sculptures ont été saluées, notamment pour leur combinaison d’éléments stylistiques traditionnels et avant-gardistes.

Mais la célébrité de Weiwei ne se résume pas à son œuvre, l'artiste chinois étant un fervent activiste politique. Ses critiques répétées du régime communiste chinois, son enquête collective via Internet pour établir la liste des écoliers victimes du séisme de 2008 au Sichuan, et ses appels répétés en faveur de plus de démocratie, ont fait de lui une cible privilégiée du pouvoir. Son soutien public au prix Nobel de la paix 2010, Liu Xiabo, a également irrité Pékin.

L’engagement politique de Weiwei est enraciné dans son histoire familiale. Son père, Ai Qing, était un poète très apprécié, qui fut forcé de quitter Pékin pendant la Révolution culturelle chinoise, décrétée en 1966 par le pouvoir communiste afin d’isoler les artistes dont le travail était associé à l’idéologie capitaliste. Après avoir vécu pendant 20 ans dans le nord de la Chine, la famille reçut la permission de revenir à Pékin. Ai Weiwei était alors âgé de 19 ans.

En janvier dernier, après la destruction de son atelier, Weiwei avait accusé les autorités de Shanghaï d’avoir agi par vengeance. Il avait également contrarié le régime pour avoir défendu publiquement Yang Jia, un homme jugé pour le meurtre de six policiers qui l’avaient tabassé pour avoir utilisé un vélo sans permis.

Expositions politiques

Les œuvres de Weiwei continuent d’être exposées à travers le monde en dépit de son arrestation, dans le cadre d’expositions qui ont pris une tournure politique. En avril dernier, la Neugerriemschneider Gallery de Berlin, inaugurant une exposition des sculptures du dissident chinois, a affiché une bannière géante intitulée "Où est Ai Weiwei?". En mai, le projet d’art public de Ai Weiwei, intitulé "Circle of Animals : Zodiac Heads", a été dévoilé au pied de la Fontaine Pulitzer de New York. Lors de la cérémonie, le maire de la ville, Michael Bloomberg, a décrit Weiwei comme "l’un des plus talentueux artistes contemporains".

À l’instar d’autres invités, Alexandra Munroe, conservatrice pour l'art asiatique du musée Guggenheim, a lu à cette occasion des pensées de l’artiste emprisonné. "Sans liberté d’expression, il n’y a pas de monde moderne, mais plutôt un monde barbare". Une réflexion devenue depuis, l’une des plus célèbres de Weiwei.