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Le retour des émigrés de Libye fait craindre une nouvelle crise alimentaire

Des dizaines de milliers de travailleurs subsahariens ont fui les violences qui sévissent en Libye depuis la mi-février. Parmi eux, près de 70 000 Nigériens dont le retour met en péril l’équilibre alimentaire de plusieurs régions du Sud.

Depuis le début de l'insurrection contre le colonel Mouammar Kadhafi, à la mi-février, quelque 70 000 Nigériens installés en Libye ont quitté la "Grande Jamahiriya" pour retourner dans leur pays, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).

Effet inattendu des événements, le retour de ces émigrés menace les populations locales en exerçant une pression supplémentaire sur un équilibre alimentaire déjà fragile. "Les zones qui accueillent ces migrants étaient déjà vulnérables en raison des déficits de productions agricoles enregistrés ces dernières années. Aujourd'hui, avec leur arrivée, il y a de réels risques de famine", s’inquiète Abibatou Wane de l'OIM au Niger, interrogée par France24.com.

Qui sont les migrants nigériens ?

La majorité des Nigériens installés en Libye y travaillent comme journaliers dans l’agriculture et le bâtiment ou effectuent des ménages. Leur salaire moyen est d’environ 153 euros par mois, selon les estimations de l’OIM.

Pour parvenir à la petite ville de Dirkou, située à 500 km au sud de la frontière libyenne, la plupart des migrants traversent le désert en camion. Un voyage, effectué dans des conditions très difficiles, peut durer jusqu’à 10 jours et coûter l'intégralité des maigres économies des migrants.

Selon le Haut commissariat aux réfugiés des Nations unies (UNHCR), "la plupart des migrants sont originaires du sud du Niger, et notamment des régions de Tahoua, de Zinder, de Tillabéry et de Maradi." Or, ces zones ont "toutes été confrontées à l’insécurité alimentaire à la suite de la sécheresse qui a considérablement diminué les récoltes en 2009 et 2010", précise l'organisation dans une étude menée en avril dernier. Par exemple, "près de la moitié des villages du département de Tanout, dans la province de Zinder, où 15 000 personnes se sont réinstallées, sont considérés comme vulnérables."

Des besoins immédiats qui s'élèvent entre 2 et 2,7 millions d'euros

Le comité de gestion de la crise mis en place par le gouvernement nigérien estime à 15 milliards de francs CFA (98 millions d'euros) l'aide à apporter aux migrants. Ne pouvant en assurer seul la charge, Niamey a fait appel à des bailleurs de fonds tels le Programme alimentaire mondial (PAM) ou l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).

Mais pour Aboubacar Djimraou, directeur de l’organisation Care au Niger, le temps presse. "Nous espérons une réponse d’ici la fin de juillet, indique l'humanitaire qui évalue les besoins immédiats entre 2 et 2,7 millions d'euros. Mais, pour l’instant, c’est un peu le chaos. Heureusement qu’il y a le lien social, et notamment familial, qui permet de pourvoir à la subsistance des populations. Dans deux ou trois mois la situation pourrait cependant devenir critique."

Un flux de migrants qui ne se tarit pas

Entre 200 et 300 réfugiés continuent d’arriver chaque jour à Dirkou, petite ville de 4 000 habitants, à 500 km au sud de la frontière libyenne, qui constitue un point de passage obligé pour les migrants qui arrivent du Nord. Au plus fort de la crise, 2 500 personnes en moyenne s’y présentaient quotidiennement.

"D’après nos informations, beaucoup de Nigériens sont encore en Libye, rapporte Abibatou Wane. Le flux n'est pas près de se tarir, d’autant que certains d'entre eux sont accusés d’être des mercenaires à la solde du régime de Tripoli et sont obligés de fuir." Mais la majorité des Nigériens qui ont franchi la frontière ces derniers jours sont ceux installés de longue date en Libye. Ils reviennent avec leur femme et quelquefois avec des enfants qui n’ont jamais vécu au Niger.

Pour l’heure, selon l’OIM, peu de ceux qui sont revenus au pays envisagent de repartir en Libye. C’est donc vers un programme de réinsertion des migrants dans la société nigérienne que s’orientent les autorités locales, les organisations internationales et non gouvernementales.

Crédit photo : © IOM 2011