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La France peine à mobiliser le Conseil de sécurité sur le dossier syrien

La France ne ménage pas ses efforts pour convaincre une large majorité de membres du Conseil de Sécurité de l'ONU de se prononcer en faveur d'une résolution qui condamnerait la répression du mouvement de contestation en Syrie. Décryptage.

Les efforts de la diplomatie française au Conseil de sécurité restent vains. Le vote d’une résolution condamnant la répression du mouvement de contestation en Syrie se heurte à un mur. Dotées d’un droit de veto en tant que membres permanents, la Russie, alliée traditionnelle de la Syrie, et la Chine restent fermement opposées à toute mesure à l’encontre de Bachar al-Assad et de son régime.

Samedi, les deux puissances sont même allées jusqu’à boycotter les discussions des experts du Conseil de sécurité. "Outre leur politique d’opposition naturelle aux Occidentaux, ces deux puissances craignent que cette instance ne prenne le pli de se saisir systématiquement de cas de répression de mouvements populaires, qui pourraient un jour les concerner directement", explique un ancien diplomate français, qui a requis l’anonymat, à France24.com.

En quête d’une large majorité

Si la France, appuyée par le Royaume-Uni, l'Allemagne, le Portugal et plus discrètement par les États-Unis, est certaine de réunir les neuf voix nécessaires à l'adoption de la résolution - sauf veto -, elle s’efforce néanmoins d'en obtenir 11 sur les 15 pays qui compose le Conseil de sécurité. "Les Français sont persuadés qu’en ne réunissant que le minimum requis de neuf voix, ils se heurteront avec certitude à un veto russe", explique Sylvain Attal, spécialiste de politique internationale à FRANCE 24.

Avec 11 voix, les Européens pourront faire pression sur la Russie et l’isoler, dans le but de la faire hésiter à utiliser son droit de veto. "Nous ne prendrons le risque de mettre aux voix un projet de résolution condamnant le régime syrien que si nous parvenons à une majorité suffisante […] Si nous pouvions avoir 11 votes, alors il faudrait que chacun prenne ses responsabilités. Nous mettrions ce projet de résolution aux voix et nous verrions si la Russie et la Chine persévèrent dans leur veto", a déclaré, mardi, le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, devant l’Assemblée nationale française.

Fissurer le camp des Brics

Alors que le chef de la diplomatie syrienne, Walid Moualem, a estimé que le projet de résolution contre son pays constituait "une intervention flagrante dans les affaires intérieures de la Syrie et une tentative pour la déstabiliser", tous les efforts actuels des diplomates européens sont focalisées sur le Brésil et l'Afrique du Sud. Paris cherche à les convaincre de se démarquer, sur ce dossier, de leur propre camp - les fameux Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). "Des pays comme le Liban, qui ne peut se permettre de voter contre la Syrie voisine pour des raisons évidentes, et l’Inde [tous deux membres non permanents] ne sont pas concernés par ces efforts, car il est impossible de les faire changer d’avis", précise l’ancien diplomate français.

Mais la tâche n’est pas simple. Le Brésil refuse pour l’instant de rallier le camp de la France. "La Syrie joue un rôle pivot pour la stabilité au Moyen-Orient [...] Je pense que la dernière chose que nous voulons voir ou faire est de contribuer à exacerber les tensions dans ce que nous considérons comme l'une des régions les plus tendues du monde", a récemment commenté le ministre brésilien des Affaires étrangères, Antonio Patriota.

Échaudés par l’expérience libyenne

Une méfiance qui est partagée par l’Afrique du Sud, alors même que le projet de déclaration ne propose pas de sanctionner ou d’intervenir militairement contre le régime de Bachar al-Assad mais de condamner la répression et d'ouvrir la voie à de possibles investigations sur des crimes contre l'humanité. "À l’instar de la Russie, Brasilia et Pretoria ont été échaudés par le dossier libyen sur lesquels ils ont le sentiment d’avoir été trompés après l’extension des frappes internationales alors qu’ils s’étaient simplement prononcés en faveur de l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne", explique Sylvain Attal.

Le président sud-africain, Jacob Zuma, a récemment exprimé le fond de sa pensée. "Nous croyons fermement que cette résolution est détournée pour obtenir un changement de régime, pour des assassinats politiques et pour une occupation militaire étrangère", a-t-il déclaré dans un discours au Parlement au sujet de la résolution 1973 votée contre le régime libyen.

La situation qui prévaut actuellement à l’ONU ressemble à une partie de poker qui oppose deux camps : celui des Brics, mené par les Russes et les Chinois face à celui des Occidentaux et leurs alliés africains. "Ce jeu consiste à intimider, à encourager et à dissuader les uns et les autres pour qu’ils rejoignent un camp ou l’autre", conclut Sylvain Attal. Reste à savoir qui aura le dernier mot, tandis qu’en Syrie "les choses se dégradent de jour en jour", selon les propres mots d’Alain Juppé.