Les Italiens ont infligé un nouveau revers au président du Conseil italien lors du référendum de dimanche. Une défaite qui ne signifie pas pour autant la fin du berlusconisme, précise le politologue Alfio Mastropaolo.
Silvio Berlusconi a reconnu son échec... "sur tous les thèmes". Après la sévère défaite de sa coalition lors des municipales du 30 mai, notamment dans son fief de Milan, les électeurs italiens ont rejeté, dimanche, à plus de 94 %, les propositions de son gouvernement sur le retour au nucléaire, la privatisation de l’eau et l’immunité judiciaire. Pour la première fois en 16 ans, plus de 50 % des inscrits se sont rendus aux urnes pour participer à un scrutin référendaire.
Si l’opposition a aussitôt appelé le président du Conseil italien a démissionné, la Ligue du Nord, principal allié de Silvio Berlusconi, manifeste elle aussi son mécontentement. Professeur de sciences politiques à l’université de Turin, Alfio Mastropaolo estime toutefois que le chef du gouvernement ne devrait pas renoncer au pouvoir dans l’immédiat.
France24.com - Le résultat de ces référendums constitue-t-il un rejet de la politique de Silvio Berlusconi ?
Alfio Mastropaolo - Oui, clairement. Les Italiens, dont des électeurs de Silvio Berlusconi, se sont prononcés contre lui. Je suis soulagé qu'ils aient su montrer une grande capacité de réaction mais la situation reste très compliquée. Il y a par exemple des différences entre le Sud et le Nord. À Palerme, une ville pauvre du Sud, le taux de participation a été faible, à la différence de Turin ou de Milan.
itF24 - Le président du Conseil pourrait-il démissionner ?
A. M. - Je crois que Silvio Berlusconi restera cramponné au pouvoir. L'enjeu est tellement élevé ! Ce n'est pas seulement une affaire publique, mais aussi une affaire privée, personnelle. Le premier dossier qu'aurait à traiter un nouveau gouvernement de gauche ou du centre, par exemple, serait celui du monopole que le chef du gouvernement exerce sur les médias.
Silvio Berlusconi est un professionnel de la politique, un grand combattant. Il va défendre son poste, même s'il doit user de coups tordus.
F24 - La Ligue du Nord pourrait-elle le désavouer ?
A. M. - La Ligue du Nord n'a pas vraiment d'alternative à Silvio Berlusconi. Elle pourrait l’abandonner et provoquer des élections législatives anticipées, mais elle risquerait de perdre elle aussi le pouvoir et son influence. Je pense qu'elle va plutôt tenter d'exiger des mesures en faveur du fédéralisme et d'une réforme fiscale plus souple que celle prônée par le ministre de l’Économie, avec une baisse des impôts. Deux propositions presque impossibles à mettre en œuvre, la situation financière de l’Italie étant très mauvaise...
F24 - De quelle marge de manœuvre dispose encore Silvio Berlusconi ?
A. M. - Il n'en a aucune. Aujourd'hui, Silvio Berlusconi est isolé. Même les entrepreneurs sont contre lui ! Il a encore une majorité au Parlement mais c'est une majorité faible, d'une quinzaine de voix, davantage fondée sur des intérêts que sur de vraies convictions. Il y a un risque que cette majorité commence à se décomposer. Certains vont être tentés de passer à gauche, en vue des prochaines élections.
F24 - Est-ce que les poursuites judiciaires le visant pourraient provoquer la fin du berlusconisme ?
A. M. - Même s'il est condamné, je crois que Silvio Berlusconi tentera de nous expliquer que cela relève du domaine privé... La fin du berlusconisme doit être une fin politique ; il faut qu'il y ait un refus de lui, de son style de gouvernement, de ce qu'il a fait. Jusqu'à présent, Silvio Berlusconi a toujours réussi échapper à cette "fin", donc il faut rester prudent, mais on peut raisonnablement dire qu'il n'a pas un grand avenir politique. Je ne pense pas qu'il puisse être réélu, mais une victoire de la droite lors des législatives de 2013 n'est pas à exclure.