Le départ du président Saleh en Arabie saoudite pour y être soigné modifie la donne politique yéménite. Une trêve a été signée avec la tribu Hached, et le vice-président a rencontré l’ambassadeur américain. De quoi susciter l'espoir d'un changement.
Depuis samedi, jour du départ du président yéménite Ali Abdallah Saleh en Arabie saoudite pour se faire opérer de ses blessures après le bombardement de son palais présidentiel, des dizaines de milliers de Yéménites veulent croire à une nouvelle ère politique. Durant le week-end, une foule a investi les rues de la capitale, Sanaa, au cri de : "Aujourd'hui, un nouveau Yémen est né !"
itPremier signe d’un changement de climat au Yémen : le puissant chef de la fédération tribale Hached, Sadek al-Ahmar, a accepté, ce lundi matin, une trêve d’une journée. Cet accord prévoit un cessez-le-feu sous conditions et l'évacuation des bâtiments publics qu'occupent ses partisans à Sanaa, la capitale. En échange, le dignitaire tribal, qui est soupçonné d’être responsable du bombardement du palais présidentiel, a exigé que "les unités militaires et leurs groupes armés se retirent à leur tour pour rétablir la sécurité". Ce cessez-le-feu a été signé par le vice-président, Abed Rabbo Mansour Hadi, en charge de l’intérim selon les termes de la Constitution.
Autre signe tendant à prouver que les cartes politiques sont en cours de redistribution : le bras-droit du président Saleh a également rencontré l’ambassadeur des Etats-Unis au Yémen, Gerald Feierstein, pour s’entretenir de la situation dans le pays. Washington, qui a longtemps soutenu le président Saleh dans le souci, notamment, de faire barrage les velléités d’Al-Qaïda dans le pays, a récemment conseillé à Ali Abdallah Saleh à prendre en compte les revendications des manifestants et de se retirer du pouvoir.
Le fils aîné du chef de l'État, Ahmed, se trouve au palais présidentiel
Pourtant, d’autres signaux en provenance de Sanaa indiquent que le clan Saleh tient toujours les rênes du pouvoir. Le vice-président Mansour Hadi ne s’est pas installé dans le palais présidentiel, mais, en revanche, Ahmed, le fils aîné et dauphin du président Saleh, s’y trouve, selon des sources proches de la présidence. Outre le fils aîné, qui commande la Garde républicaine, les neveux du président occupent des postes clés de la sécurité. Yahia est chef de la sécurité centrale et des unités de lutte contre le terrorisme, tandis que Tarek dirige la garde spéciale présidentielle et Ammar est un chef de la sûreté nationale.
Et alors qu’Abed Rabbo Mansour Hadi n’a toujours pas été investi officiellement dans ses fonctions de président par intérim, un membre du parti au pouvoir, Tarek al-Chami, a annoncé le retour d’Ali Abdallah Saleh "dans quelques jours". Un responsable saoudien, cité par l’AFP, affirme même que le président fera son retour au Yémen dans deux semaines, après sa période de convalescence.
Un scénario auquel veut également croire le politologue Khattar Abou Diab, professeur à l’Université Paris XI. "Je crois à un retour de Saleh, dans le cadre d’un compromis. Mais à un retour comme citoyen, et pas comme président. Cette question est au centre des tractations en ce moment à Riyad", dit-il sur FRANCE 24.
Riyad a désormais les cartes en main
Ce n’est pas une coïncidence, en effet, si le président Saleh s’est rendu en Arabie saoudite pour y être opéré de ses blessures. Riyad est un allié de longue date du pouvoir de Saleh. Et en tant que principal membre du Conseil de coopération du Golfe (CCG), il a été l’instigateur, par trois fois, de tentatives de faire signer au président un compromis de départ du pouvoir. Par trois fois, Saleh a hésité, puis décliné l’offre. "Pourtant, il s’agissait de conditions dont rêvent tous les dictateurs du monde arabe : avoir trente jours pour partir en échange d’une amnistie totale", commente Jean-Bernard Cadier, spécialiste de politique internationale à FRANCE 24.
Washington et plusieurs pays européens, dont la France, ont appuyé cet accord concocté par le CGC. Ce lundi, la chancelière allemande Angela Merkel, le président français Nicolas Sarkozy, le Premier ministre britannique David Cameron et les chefs du gouvernement italien Silvio Berlusconi et espagnol José Luis Zapatero, ont signé un communiqué qui appelle "tous les responsables civils et militaires du Yémen à respecter la trêve initiée par le roi d'Arabie saoudite Abdallah".
A présent que Ali Abdallah Saleh est sur leur territoire, « les Saoudiens prennent les choses en main », analyse Jean-Bernard Cadier. « Le temps de convalescence laisse un délai de deux semaines pour essayer de créer une transition. »