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Au Pays basque, la gauche indépendantiste revient aux affaires

La déconfiture du Parti socialiste espagnol (PSOE), malmené dimanche lors des élections locales, n’a pas profité qu’au Parti populaire. Exemple au Pays basque, où la percée de la coalition indépendantiste Bildu bouleverse le paysage politique.

Au lendemain des résultats des élections locales en Espagne, la déconfiture des socialistes de José Luis Zapatero (PSOE), au pouvoir depuis 2004, a fait la Une des quotidiens.

Si au Pays basque - où les mouvements de protestation ont pris de l’ampleur ces derniers jours - la débâcle du PSOE était prévisible, la percée historique des indépendantistes de la coalition Bildu, parti créé spécialement pour le scrutin, l’était beaucoup moins. D’autant que la gauche indépendantiste basque n’avait pas été présente à des élections depuis huit ans.

Sur l’ensemble de la région basque (Pays basque et Navarre), Bildu a remporté 953 sièges de conseillers municipaux. La formation a surtout recueilli 25,45 % des suffrages à travers la région et arrive en deuxième position derrière le Parti nationaliste basque (PNV), une mouvance nationaliste de centre-droit qui a obtenu 30,05% des suffrages.

La formation indépendantiste a obtenu le plus de sièges à la mairie de Donostia (Saint-Sébastien), l’un trois grands pôles locaux, avec Bilbao et Vitoria-Gasteiz. Pour conserver la gestion de la ville, les socialistes, arrivés en deuxième position, vont être contraints de négocier des alliances au conseil municipal alors que leur suprématie n’y avait jamais été contestée depuis 1991.

Batasuna en toile de fond

Cette percée significative de la coalition Bildu pourrait constituer "un premier pas vers la souveraineté", a estimé le dirigeant du parti, Pello Urizar. Ce résultat, le meilleur de la gauche indépendantiste depuis la fin des années 1970 et le retour de la démocratie, ravive les inquiétudes des médias et de la sphère politique.

Pour le quotidien espagnol El Pais, "la coalition Bildu bouleverse la carte électorale basque". L’engouement autour de la coalition serait même "extraordinairement préoccupant", selon le quotidien national de centre-droit El Mundo - une préoccupation largement imputable aux différentes composantes de la coalition.

Créé le 3 avril 2011, Bildu ("ensemble" en Basque) regroupe Eusko Alkartasuna (EA) et Alternatiba, les deux partis indépendantistes légaux, mais aussi des membres du mouvement Batasuna, vitrine politique d’ETA interdite par la justice espagnole depuis 2003.

En février dernier, plusieurs membres de Batasuna avaient déjà tenté de créer un nouveau parti, Sortu, afin de contourner cette interdiction. Mais la justice espagnole avait déclarée l’illégalité de la nouvelle entité.

Le 1er mai dernier, le Tribunal suprême - l'organe constitutionnel supérieur à toutes les autres juridictions sauf en ce qui a trait à la Constitution - avait interdit à Bildu de présenter des listes aux élections locales. Quatre jours plus tard, la coalition avait finalement obtenu du Tribunal constitutionnel la révision de ce jugement, puis l’autorisation de participer au scrutin.

Au Parti socialiste, qui préside toujours le parlement de la Communauté autonome du Pays basque, la journée de dimanche a été difficile. Le porte-parole des socialistes basques, José Antonio Pastor, a d’ailleurs reconnu que les résultats n’étaient "pas ce qu’ils attendaient".

Même à droite, la montée du Bildu est vécue comme une menace. Dimanche, le président du Parti populaire du Pays basque (antenne régionale du PP, conservateur) avait insisté sur le fait qu’il avait été le seul "à faire face à l'irruption" de la coalition indépendantiste.

Le fantôme de l’ETA

Avec le succès de Bildu, c’est le fantôme d’ETA qui resurgit. L’organisation séparatiste basque, qui n’a pas commis d’attentat depuis août 2009, est pourtant en totale perte de vitesse. Au mois de janvier dernier, elle a déclaré un "cessez-le-feu" unilatéral "permanent", que Madrid, pourtant plus clément à l’égard d’ETA depuis l’accession au pouvoir des socialistes, a jugé insuffisant.

Interrogé par l’AFP, Gorka Landaburu, rédacteur en chef du magazine Cambio 16 et expert des questions basques, estime que le plus important est "de voir si effectivement Bildu rentre dans le système démocratique, accepte les règles du jeu et surtout s'ils prônent la fin d'ETA et de la violence."

"J'espère que ces résultats constitueront une étape supplémentaire vers la fin d'ETA", confesse-t-il. Un espoir auquel les dirigeants de Bildu ont tenté de faire écho ces dernières heures.

En entretien sur Radio Euskadi ce lundi, Pello Urizar, porte-parole de la coalition, a assuré que les résultats des élections allaient "impliquer un retrait définitif d’ETA".

Une prise de position qui devra s’affirmer dans les prochains mois si Bildu veut s’affranchir totalement de la filiation que beaucoup lui prêtent avec l’organisation armée.

ETA, que l’Union européenne et les États-Unis considèrent officiellement comme une organisation terroriste, serait responsable de la mort de 829 personnes. Elle opère depuis plus de quarante ans pour obtenir l’indépendance du Pays basque.