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Le bras de fer entre une star du football et Twitter

Un joueur de football a demandé à la justice britannique d’ordonner à Twitter de fournir l’identité d’un internaute ayant révélé son nom dans une affaire d’adultère. Une première pour Twitter en Grande-Bretagne.

Twitter est-il ou non soumis à l'injonction d'anonymat en tant qu'entité médiatique ? Telle est la question qui agite actuellement la Grande-Bretagne, à l’heure où une star anglaise du football a demandé l’intervention de la justice, vendredi, contre le célèbre site de microblogging.

Cet as du ballon rond veut que la société californienne Twitter révèle l’identité de l’un de ses utilisateurs, qui a rendu public sur son fil - "injunctionSuper" - l’implication du footballeur dans une liaison extraconjugale avec Imongen Thomas, ex-miss Pays de Galles. Et pour cause, l’information n’aurait jamais dû se trouver sur la place publique : l’illustre milieu de terrain impliqué a obtenu de la justice britannique une injonction d’anonymat relative à cette affaire. Les médias britanniques ne peuvent donc citer son nom, mais seulement le désigner par le sigle "CTB".

Un flou juridique

Une injonction que n'a pas respecté Twitter car, depuis début mai, le nom du sportif est connu grâce aux indiscretions de "injunctionSuper". "Il y a actuellement un flou juridique dans le droit anglais qui ne permet pas de dire si les injonctions d’anonymat concernent également les utilisateurs de Twitter, Facebook...", reconnait Gavin Phillipson, spécialiste du droit des médias à l’université de Durham (nord), interrogé par France 24.

Une situation ubuesque qui a poussé l’hebdomadaire écossais The Sunday Herald à publier en première page, dimanche, le visage du mari volage avec un simple bandeau cachant ses yeux. Une provocation censée démontrer "l’absurdité de l’obligation légale qui nous empêche de donner un nom à nos lecteurs qu’ils connaissent déjà", selon le quotidien.

Le Premier ministre britannique, David Cameron, est même intervenu ce week-end dans ce débat, estimant qu’avec l’émergence des nouvelles technologies certaines règles de protections de la vie privée sont devenues "injustes" pour les médias traditionnels.

Twitter pas responsable

Le fil Twitter d'InjunctionSuper n’a pas évoqué que le cas du footballeur. Il a aussi révélé - sans preuve à l’appui - les noms d’autres personnalités britanniques - certes moins illustres, mais qui auraient obtenu, selon cet internaute, des injonctions d’anonymat dans des affaires de mœurs. Ces indiscrétions ont été relayées par 30 000 utilisateurs de Twitter, selon le quotidien britannique The Independant, qui veulent ainsi dénoncer le recours légal dont les "riches et puissants" abuseraient pour étouffer certains scandales.

"Cette vision d’une loi utilisée uniquement par les riches et les puissants est un lieu commun", avertit Gavin Phillipson, qui rappelle que les injonctions d’anonymat sont surtout utilisées en Grande-Bretagne pour protéger les mineurs et les victimes d’abus sexuels.

Quid de la vie privée ?

Le spécialiste en droit craint qu’au-delà du cas d’une star du football, l’irruption de Twitter dans cette affaire d'adultère mette à mal tout un pan de la protection de la vie privée par le droit anglais. "Quand des dizaines de milliers de personnes relaient la même information, il devient difficile, voire impossible, de savoir qui poursuivre en justice", remarque le juriste. D’autant que Twitter et/ou Google ne sont pas "responsables en Grande-Bretagne du contenu mis en ligne par leurs utilisateurs", selon Gavin Phillipson.

Dans ce contexte, le recours à des injonctions d’anonymat risque de devenir obsolète. "Ce serait la première fois qu’à cause de la technologie la volonté du plus grand nombre se substitue à celle de la loi", regrette Gavin Philipson.