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Des centaines de personnes défient l'interdiction de manifester

Des centaines de protestataires étaient mobilisés contre le gouvernement ce samedi à Madrid, malgré l'interdiction de manifester. Depuis vendredi minuit, une trêve électorale est en vigueur pour garantir la bonne tenue des élections locales dimanche.

AFP - Désormais "illégaux" mais déterminés à faire entendre leur ras-le-bol de la crise et du chômage, des centaines de jeunes restaient mobilisés samedi dans le campement alternatif de la Puerta del Sol à Madrid, en dépit de la trêve électorale qui interdit les manifestations.

Aux cris de "maintenant nous sommes illégaux", une foule immense a accueilli vendredi à minuit le début de la trêve, après avoir, aux douze coups de l'horloge, lancé symboliquement un "cri muet", rubans de scotch sur la bouche, bras levés au ciel.

Samedi matin, un millier de manifestants occupaient toujours le "village" de tentes et de bâches en plastique bleu.

La foule, beaucoup plus nombreuse que les jours précédents, n'avait commencé à se clairsemer qu'en fin de nuit. Des milliers de jeunes étaient alors restés sur la grande place, veillant assis en cercle, discutant, jouant de la musique, dormant sous les tentes ou à la belle étoile.

L'agence Efe, se basant sur le comptage d'une société spécialisée, avançait le chiffre de 19.000 manifestants vendredi soir à la Puerta del Sol et dans les rues alentour, toutes bondées. D'autres médias estiment leur nombre à 25.000 à Madrid et 60.000 dans toute l'Espagne.

"C'est quelque chose de nécessaire, parce qu'en Espagne on ne savait pas que les gens étaient capables de faire cela. Nous vivons enfin quelque chose", confie Julia Estefania, une étudiante en sciences politiques de 20 ans venue de Tolède.

Elle et ses amies se sont reposées quelques heures à peine, allongées sur des cartons. "Dormir, dormir, je n'en avais pas très envie, finalement nous nous sommes allongées vers 6 heures", ajoute Irène, 18 ans, une autre jeune fille du groupe.

La présence policière, en dépit de l'interdiction de manifester, est restée discrète tout au long de la soirée, limitée à quelques cars de police stationnés aux abords de la place.

Le gouvernement, embarrassé par ce mouvement spontané apparu à une semaine des élections régionales et locales de dimanche qui s'annoncent désastreuses pour les socialistes, avait dit vendredi faire preuve de "compréhension".

Le ministre de l'Intérieur, Alfredo Perez Rubalcaba, avait laissé entendre qu'une action policière pourrait être évitée à condition qu'aucun débordement n'ait lieu.

Dans ce contexte, le mouvement de jeunes, profitant de sa popularité grandissante, joue sur l'ambiguité de la loi et l'embarras du gouvernement, en répétant qu'il est "apolitique", "citoyen", et que les journées de samedi et dimanche ne seront consacrées qu'à la poursuite d'une "réflexion" collective.

"Nous agissons dans le respect absolu de la trêve électorale, des assemblées vont se tenir mais aucune action ne sera décidée", expliquait samedi Juan Lopez, l'un des porte-parole.

Depuis mardi, ce mouvement spontané rassemble une mosaïque de jeunes mais aussi de citoyens de tous horizons et de tous âges, chômeurs, étudiants, retraités, salariés.

Inédit, coloré et pacifiste, le mouvement, au nom du "droit à s'indigner", dénonce la mainmise des grands partis sur la vie politique espagnole, l'injustice sociale, les dérives du capitalisme, la "corruption des politiciens" et se veut un laboratoire d'idées pour des réformes à venir.

Surtout, il trahit la frustration de millions d'Espagnols face au chômage qui atteint un taux record de 21,19% et frappe près de la moitié des moins de 25 ans, aux coupes salariales, aux retombées de la crise économique.

Le mouvement, né sur la place la plus emblématique du vieux centre madrilène, ose inévitablement la comparaison avec les récentes révoltes arabes.

"De Tahrir à Madrid, au monde, world revolution", proclamait vendredi une grande banderole, en lettres noires.

Les manifestants ont désormais "la ferme intention" de poursuivre lundi le mouvement, a indiqué Juan Lopez, c'est-à-dire au-delà du calendrier initial qui devait coïncider avec les élections locales.