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"L’incrédulité est une réponse à un sentiment d’angoisse"

L’affaire Dominique Strauss-Kahn a rapidement suscité son lot de sceptiques. Dans ce scandale, on retrouve le refus d’accepter un événement qui remet trop de choses en question selon Jérôme Jamin, auteur de "L’Imaginaire du complot".

L’affaire DSK rejoindra-t-elle d’autres événements marquants qui ont accouché de toute une littérature complotiste ? Quelques heures après l’arrestation du patron du FMI, dimanche, les premières remises en question des accusations d’agression sexuelle ont vu le jour sur le Web.

Certains responsables politiques ont également voulu voir, à l’image de la "strauss-kahnienne" Michèle Sabban, "un complot international" à l’oeuvre. Un autre lieutenant de l’ex-patron du FMI, Jean-Christophe Cambadélis, a rappelé dimanche soir "qu'on avait promis à Dominique Strauss-Kahn le feu nucléaire dès qu'il ferait ses premiers pas de candidat".

Cette affaire comporte en effet les ingrédients qui font le lit des amateurs de théories du complot, comme l'explique à France24.com le Belge Jérôme Jamin, politologue et auteur de "L’Imaginaire du complot".

France 24 : Pourquoi l’arrestation de DSK a-t-elle aussi rapidement donné lieu à des remises en question de l'accusation d’agression sexuelle ?

Jérome Jamin : L’incrédulité et les théories du complot sont des réponses à une angoisse. Des réponses simples à une situation trop complexe et qui remettent trop de chose en question. Quand on est face à quelque chose d’aussi incroyable que l’arrestation du patron du FMI, qui bouleverse l’agenda international et national, le reflexe est de refuser l’explication officielle.

France 24 : Quels sont les ingrédients qui font qu'un événement, comme le 11-Septembre ou la mort de Diana, suscite des théories du complot ?

J.J. : Plus l’anomalie et/où le scandale est important, moins on accepte les explications banales. Ainsi, Dominique Strauss-Kahn, dans l’esprit de certains, ne peut pas avoir fait "bêtement" ce qu’on lui reproche alors qu’il avait de grandes chances de devenir le prochain président de la République.

En général, les théories du complot concernent soit un événement aux conséquences mondiales, soit une personnalité connue. Les attentats du 11-Septembre sont l’exemple type d’un événement qui a changé le cours de l’Histoire. La mort de Marylin Monroe entre dans la deuxième catégorie. Dans le cas de Dominique Strauss-Kahn, les deux critères sont réunis.

France 24 : Il y a aussi le rôle d’Internet, qui, comme depuis les attentats du 11-Septembre, semble à l’origine de toutes les théories du complot…

J.J. : Les théories du complot n’ont pas attendu Internet pour exister. En fait, elles remontent à la Révolution française. Avant elles, il était naturel de blâmer le diable ou dieu pour les événements extraordinaires. Après la chute de la monarchie absolue, il fallait trouver des responsables humains.

En revanche, depuis l’émergence d’Internet et plus particulièrement depusi le 11 septembre 2001, un certains nombres d’internautes se sont improvisés détectives numériques. Ils affirment que les médias font partie de la conspiration et que, grâce aux réseaux, il est devenu plus facile de "découvrir la vérité".

La théorie du complot est une réponse à l’incertitude : si les choses vont mal, il suffit de trouver les auteurs du complot. Et sur Internet, les gens croient pouvoir les démasquer eux-mêmes.