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Inculpé aux États-Unis, le directeur du FMI Dominique Strauss-Kahn ne peut participer à la réunion des ministres des Finances de l'Eurozone sur la dette en Grèce et au Portugal, ce lundi à Bruxelles. Une première absence qui risque de peser lourd.

Les premiers effets de l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn (DSK) sur les places économiques et financières n’ont pas tardé à se faire sentir. Lundi matin, la Bourse de Paris a ouvert en recul de 1,01 % pour passer sous les 4 000 points. Secoués par l'affaire DSK, les marchés sont inquiets des conséquences de l'arrestation du directeur général du Fonds monétaire international (FMI) sur la zone euro. Et pour cause.

Le scandale DSK tombe mal. Au début d’une semaine qui doit être dominée par des discussions sur la dette en Europe, l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn, très actif défenseur du plan de sauvetage des pays endettés depuis le début de la crise en 2008, jette un froid sur la planète économique et financière.

Principal artisan aux côtés de l'Union européenne (UE) du prêt de 110 milliards d'euros accordé à la Grèce il y a un an, Dominique Strauss-Kahn devait rencontrer dimanche Angela Merkel à Berlin, afin d’évoquer la situation économique au Portugal, en Grèce, et en Irlande. Il devait également se rendre à Bruxelles, où les ministres des Finances de la zone euro se retrouvent lundi soir pour parler de la situation budgétaire en Grèce où se profile un deuxième plan d'aide associant l’UE et le FMI, et pour statuer sur le sauvetage du Portugal. 

Le FMI participe en effet à hauteur d’un tiers aux côtés des Européens au financement des prêts accordés à la Grèce (110 milliards d’euros) et à l’Irlande (875 milliards d’euros) et il s’apprête à financer un plan de prêts de 78 milliards d’euros en faveur du Portugal. 

Le FMI et la Maison Blanche se veulent rassurants

Depuis l’arrestation de DSK samedi soir, la Maison Blanche et les administrateurs du FMI tentent malgré tout de se montrer rassurants. La Maison Blanche s’est déclarée lundi après-midi "confiante" dans le fonctionnement normal du FMI. 

Le FMI a affirmé que le "Fonds reste opérationnel", grâce à l’intérim assuré par son numéro 2, John Lipsky. Le patron du FMI sera remplacé par la directrice générale adjointe chargée de l'Europe, Nemat Shafik, a également annoncé l'institution dimanche. 
Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a estimé, pour sa part, dimanche que l'arrestation aux États-Unis de Dominique Strauss-Kahn ne pèserait pas sur les discussions de l’Eurogroupe ni sur le fonctionnement de l’institution monétaire.  


"Le FMI est une grande institution tout à fait capable de travailler. Un adjoint du directeur général participera demain à la réunion de l'Eurogroupe. La solution du problème ne sera pas affectée" par l'affaire Strauss-Kahn, a assuré M. Schäuble.

"Il ne faut pas sous-estimer le poids de la personnalité"

Les économistes se montrent cependant plus alarmistes sur l'impact du départ de DSK. Par sa stature et son expérience, le directeur du FMI - ancien ministre français des Finances, économiste souvent qualifié de "surdoué" qui se voyait ministre ou Nobel d’économie lorsqu’il était étudiant à HEC - a joué un rôle de premier plan dans la gestion de la crise économique européenne.

"Il ne faut pas sous-estimer le poids de la personnalité dans ces affaires", explique à FRANCE 24 Philippe Dessertine, directeur de l'Institut de haute finance à l'IFG (Institut français de gestion). "DSK est Européen, Français, économiste et homme politique ce qui l’a placé au centre des négociations en cours, au même titre que les ministres des Finances de la zone euro."
Partisan de la monnaie unique, européen convaincu, socialiste comme les chefs d’Etat portugais et grec, et parfaitement germanophone, DSK -soutenu par Jean-Claude Trichet, gouverneur de la BCE et Nicolas Sarkozy- a défendu d’arrache-pied le partenariat entre le FMI et l’UE dans le plan de sauvetage de la Grèce. En proposant une intervention forte du FMI, il a rendu le projet acceptable auprès de l’opinion publique allemande, ayant raison des dernières réticences de la chancelière allemande, Angela Merkel.
 

"L’autorité et surtout l’esprit très français de DSK ont joué un rôle très important. Sa personnalité et l’alliance européenne du quatuor Merkel, Sarkozy, DSK et Trichet, a joué un rôle dans la tournure des événements depuis la crise de 2008. L’idée d’une gouvernance mondiale est complètement française, loin de la conception américaine", analyse également Christian Stoffaes, président du conseil d’analyse économique franco-allemand qui estime que "le fait que DSK ne soit plus aux commandes du FMI à un impact mondial".  

L’absence de DSK, qui s’affirmait comme une autorité morale rassurant les marchés dans une période d’instabilité, risquent donc de compromettre des négociations tendues autour d’économies fragilisées et interdépendantes.

La rupture de l’équilibre économique mondiale ?

La question de la succession de DSK est d'ores et déjà dans tous les esprits. L'inculpation de Dominique Strauss-Kahn risque en effet de devoir contraindre le Fonds monétaire international (FMI) à désigner rapidement un nouveau directeur général.

À court terme, la présence intérimaire de Lipsky à la tête du FMI semble servir l’intérêt des États-Unis. Avec le Canada et les grands pays émergents, les États-Unis se sont récemment inquiétés qu'une partie importante des ressources du Fonds soient consacrées à l'Europe, à la Grèce en particulier, au détriment d'autres zones dans le monde.
"John Lipsky, a été placé par les Américains -premiers financeurs du fonds- au FMI pour tempérer DSK. Mais il n’est pas du tout dans les mêmes dispositions. Son intervention sera forcément moins efficace", analyse Dessertine.
À plus long terme, c’est l’équilibre même entre les grandes puissances économiques mondiales, mis en place depuis les accords de Bretton Woods en 1944, qui semble modifié.
"L’équilibre très complexe entre les États-Unis, l’Europe et les pays émergents est rompu et pour très longtemps. On se doutait que la succession de DSK serait un problème car elle allait impliquer une perte d’influence de l’Europe, désormais c’est une certitude", assure Dessertine.
Selon la rumeur, un candidat chinois serait dans les rangs, renforçant les craintes de l’Eurogroupe qui redoute, plus que jamais, sa perte d’influence sur l’échiquier économique mondial.