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L'ex-trader Jérôme Kerviel parle et se pose en victime

Pour la première fois, l'ancien trader Jérôme Kerviel, accusé d'avoir fait perdre 4,9 milliards d'euros à la Société générale, s'est exprimé en public. Se posant en victime, il affirme que la banque l'a encouragé à prendre des risques.

REUTERS - Dans ses premiers propos publics, Jérôme Kerviel, l'ex-trader auquel la Société générale impute une perte de 4,9 milliards d'euros, se pose en victime et souhaite ne jamais revoir le monde de la finance.

"C'est un milieu que je ne veux plus connaître. Ce n'est plus du tout un endroit que j'ai envie de fréquenter, ce n'est plus du tout des gens que j'ai envie de fréquenter. Tout est faux dans ce milieu, tout est irréel, tout est basé sur le paraître", dit-il dans une interview diffusée vendredi sur RTL.

C'est la première fois que le jeune homme de 32 ans à l'origine de ce scandale parle officiellement à un média, deux semaines après la fin de l'enquête judiciaire qui conduira à son procès d'ici 2010. Il sera aussi invité sur TF1 dimanche soir.

ll reprend les arguments de défense développés depuis l'été dernier, selon lesquels ses supérieurs hiérarchiques encouragaient ses engagements à risque qui l'ont conduit à miser jusqu'à 50 milliards d'euros. Ces affirmations sont contestées par la banque et mises en doute par les juges d'instruction.

"Je n'ai jamais rien volé, je n'ai pas voulu jouer, je n'ai jamais été indétectable, je ne suis pas quelqu'un de secret et je ne suis pas un menteur", dit-il.

La Société générale est responsable, selon lui.

"Au début de l'affaire, l'avocat de la Société Générale a déclaré : 'c'est l'histoire d'un homme qui a vu la voiture ouverte et qui l'a piquée '. L'histoire qui me concerne, ce n'est absolument pas ça", dit-il.

Une "bonne gagneuse"

"Ils ont ouvert la portière, m'ont tendu les clefs et m'ont fait des signes de la tête en me disant 'vas-y, va faire un tour'. Ils m'ont incité à le faire. Ils m'ont regardé le faire le tour. Et un jour ils disent 'ah ben, on s'est fait voler la voiture'", ajoute-t-il.

Il assure avoir seulement voulu faire gagner de l'argent à son employeur, de la même manière que les autres traders qui, selon lui, agissaient de manière identique. "Cette expression je l'ai entendue maintes et maintes fois : 'est-ce que tu as été une bonne gagneuse aujourd'hui ?' ".

"Il y a une certaine déconnexion de la réalité à un moment donné. Les chiffres ne veulent plus réellement dire grand-chose. Je me suis laissé entraîner dans une spirale autoalimentée, sur laquelle mes supérieurs mettaient de l'huile pour que ça tourne à plein régime", dit-il.

Selon lui, la banque "tire les ficelles dans cette enquête". "Ce que je peux vous garantir, c'est que je ne lâcherai rien, jusqu'au bout", assure-t-il.

Il redoute de retourner en prison, où il a passé 38 jours, mais après le procès, il dit rêver "d'anonymat, (de) vivre tranquillement". "Avant et après j'ai toujours été 'Mr Nobody, M. Personne'. Et j'espère le redevenir très rapidement".

Il dément avoir été contacté pour le tournage d'un film sur son affaire, comme l'écrivent des médias.

Ce qu'il se dit quand il pense à l'affaire ? "Qu'est-ce que t'as été con ! Avec du recul je me dis que je me suis laissé emballer par tout un système, je me suis laissé entraîner". Il encourt jusqu'à cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende.