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"La mort de Ben Laden réveille le souvenir douloureux du 11-Septembre"

L'écrivain américain Jay McInerney était, dimanche 8 mai, l’invité du festival littéraire "Paris en toutes lettres", où il a réagi à la mort d'Oussama Ben Laden et livré sa vision du New York de l'après-11-Septembre.

"Le 11-Septembre est l'événement le plus traumatisant jamais vécu par les New-Yorkais", estimait dimanche, à Paris, le romancier américain Jay McInerney, interrogé sur la mort d'Oussama Ben Laden, l'ancien numéro un d'Al-Qaïda accusé d'être à l'origine des attentats. "Mais on ne peut se réjouir de la mort d'un homme." 

Dans son roman "La Belle Vie" ("The Good Life")*, paru en 2007, McInerney, le chroniqueur de l'intelligentsia new-yorkaise, décrit l’onde de choc subie par les millions d'habitants de la ville au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, interrogeant le rêve américain qui semble s’être écroulé avec les tours jumelles. Ses personnages, Corrine et Russell Calloway, dont il avait dépeint la vie de trentenaires dans "Trente ans et des poussières" ("Brightness Falls", 1992), sont désormais mariés et parents de deux enfants. Leur routine est soudain brisée par les attentats. Calquée sur New York, leur existence sombre pour finalement reprendre son cours.

Face au public de "Paris en toutes lettres", festival littéraire organisé par la Ville de Paris au 104, centre culturel de la capitale française, le romancier américain est revenu sur l'impact du 11-Septembre sur sa propre vie, et, plus largement, sur la société américaine. Extraits.

Qu’avez-vous ressenti à l’annonce de la mort d’Oussama Ben Laden ?

Jay McInerney - La mort de Ben Laden réveille le souvenir douloureux du 11-Septembre. Ces attentats sont l’événement le plus traumatisant que New York ait jamais vécu. Ce ne sont pas les États-Unis qui ont été attaqués, mais bien New York. Alors je peux comprendre ceux qui ont fait la fête après la mort de Ben Laden même si je ne les ai pas rejoints. 

Ceci dit, la position des New-Yorkais a toujours été nuancée. Ils sont plus à gauche que le reste des États-Unis. Ils étaient par exemple les premiers à manifester en avril 2003 contre l’invasion américaine en Irak.

Que pensez-vous du fait que le président Barack Obama ait refusé de diffuser la photo du cadavre de Ben Laden ?

J. M. - J'approuve complètement la décision de Barack Obama. Cela aurait été irrespectueux de publier la photo de n’importe quel mort. C’est faire preuve de respect et de dignité que de ne pas montrer le cadavre de son ennemi.

Pourquoi cela vous a paru important d’intégrer les attentats du 11-Septembre dans votre œuvre ?

J. M. - Ma première réaction a été de dire que la fiction et la littérature ne rimaient à rien dans de telles circonstances. Mais j’avais tort de croire que ce n’était pas pertinent. La littérature a toujours aidé à comprendre l’Histoire et les événements dramatiques. C’est mon rôle d'enregistrer ma propre époque. Pour autant, le nom d’Oussama Ben Laden n’apparaît pas dans mes livres. Je ne parle pas de géopolitique, ni de terrorisme. J'ai fait ce que les romans font de mieux : parler de la vie des gens et de la répercussion de l’Histoire sur eux. 

Dans votre roman "La Belle Vie", vous questionnez la possibilité de reconstruire sa vie sur des ruines. New York et les New-Yorkais se sont-ils reconstruits depuis le 11 septembre 2001 ?

J. M. -
Dans les jours qui ont suivi les attentats, on pensait tous que notre vie changerait à jamais. Mais une version plus réaliste montre que la nature humaine ne change pas et que les crises ne durent pas. Au début, la première chose à laquelle on pensait le matin en se réveillant, c’était à la chute des tours. Puis le temps est passé, et finalement la vie a repris le dessus. Ceci dit, quand j’entends le bruit d’un avion ou une explosion, je continue à avoir peur. Chaque fois que je pense au 11-Septembre, j’ai le cœur brisé. Mais on n’y pense pas tout le temps. Les New-Yorkais ont repris leur vie quotidienne.

*Ed. de l'Olivier, Paris, 2007
(Traducteur : Agnès Desarthe)