Après avoir qualifié d'absurdes les allégations de complicité visant son gouvernement dans la traque du numéro un d'Al-Qaïda, le Premier ministre pakistanais a annoncé ouvrir une enquête sur les raisons de la présence de Ben Laden à Abbottabad.
AFP - Le Premier ministre du Pakistan a rejeté lundi les accusations "absurdes" d'éventuelles complicités officielles avec Oussama Ben Laden, mais a promis une enquête, tandis que les Etats-Unis refusaient de s'excuser pour le raid effectué sur le sol de leur allié.
Dans un entretien à la chaîne de télévision CBS dimanche, le président américain avait demandé à Islamabad de diligenter une enquête sur les "soutiens" dont aurait bénéficié Ben Laden au Pakistan.
"Nous sommes déterminés à savoir par tous les moyens comment, quand et pourquoi Oussama Ben Laden était présent à Abbottabad. Une enquête a été ordonnée", a répondu le chef du gouvernement pakistanais lors d'une intervention devant les députés une semaine après le raid, en référence à la ville de garnison où l'homme le plus recherché de la planète a apparemment vécu plusieurs années, à deux heures de route de la capitale.
Yousuf Raza Gilani a qualifié "d'absurdes" les accusations selon lesquelles des institutions pakistanaises ont joué double jeu avec Al-Qaïda, "car Al-Qaïda et ses alliés ont conduit des centaines d'attentats suicide" dans ce pays ces dernières années, pour le punir de son engagement dans la lutte anti-terroriste aux côtés de Washington.
"Oui, il y a eu un échec des services de renseignements, mais pas seulement des nôtres. C'est l'échec de toutes les agences de renseignement du monde", a estimé M. Gilani, réitérant un des arguments avancés par Islamabad.
Alors que l'opinion publique pakistanaise, très fortement anti-américaine, reproche aux autorités de n'avoir pu empêcher la violation de souveraineté qu'a constitué le raid des commandos américains, M. Gilani a reproché sur un ton vindicatif aux Occidentaux, notamment aux Américains, d'avoir créé le chef d'Al-Qaïda
"Qui est responsable de la naissance d'Al-Qaïda dans les années 1990? Qui est responsable d'avoir bâti le mythe de Ben Laden?", a-t-il martelé dans une référence à peine voilée aux Etats-Unis.
Accusé d'unilatéralisme par M. Gilani, Washington a affirmé qu'il refusait de "s'excuser" pour le raid contre Oussama Ben Laden.
Répétant que les Etats-Unis considéraient leur relation avec le Pakistan comme "compliquée" mais "importante", le porte-parole de la Maison Blanche Jay Carney a affirmé: "nous ne nous excusons pas pour les mesures que le président (Obama) a prises".
Washington a indiqué la semaine dernière que les autorités pakistanaises n'avaient pas été averties du raid par crainte de possibles "fuites". Mais dimanche, le conseiller de M. Obama pour la sécurité nationale, Tom Donilon, a cherché à calmer le jeu, soulignant que Washington n'avait "aucune preuve que le gouvernement d'Islamabad était au courant" du lieu où se cachait Ben Laden.
Il a cependant demandé à Islamabad de transmettre aux Etats-Unis les renseignements trouvés par les autorités pakistanaises dans la résidence et de leur donner accès aux trois femmes du chef d'Al-Qaïda désormais en détention, afin de les interroger.
Signe de la dégradation des relations entre Islamabad et Washington, le nom d'un homme présenté comme le chef de la CIA au Pakistan a été révélé par plusieurs médias pakistanais ces derniers jours.
Interrogé, un responsable américain qui a requis l'anonymat a indiqué que l'agence de renseignement, qui a dirigé l'opération contre Ben Laden, ne prévoyait pas d'exfiltrer le responsable de ses opérations au Pakistan.
L'identité des agents de la CIA étant confidentielle, les soupçons sur l'origine de la fuite se portent sur l'ISI, les puissants services secrets pakistanais, estime la presse américaine.
Mi-décembre, un précédent chef de station de la CIA au Pakistan avait dû être exfiltré après avoir fait l'objet de menaces. Son identité avait été révélée dans un plainte déposée par un homme qui accuse la CIA d'avoir tué son fils et son frère au cours d'un tir de drone.
Une semaine après sa mort, Ben Laden aura poursuivi jusqu'au bout ses menaces contre Washington, répétées dans un message audio mis en ligne dimanche.
"Il est injuste que vous viviez en paix alors que nos frères (dans la bande de) Gaza vivent dans la détresse. En conséquence et avec la volonté de Dieu, nos attaques contre vous vont se poursuivre tant que se poursuivra votre soutien aux Israéliens", dit-il dans ce message enregistré peu avant sa mort selon Al-Qaïda.