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YouTube donne une voix aux électeurs israéliens

La présidentielle américaine a confirmé YouTube comme plateforme de débat politique. Les Israéliens, qui élisent leurs députés le 10 février, en font l’expérience en s’adressant, via son portail, aux chefs de file des principaux partis.

La démocratie en Grèce antique avait son agora, celle de l’ère post-internet a YouTube. Le principe de l’agora est simple : une grande place publique où tout citoyen a le droit de prendre la parole pour poser des questions et proposer des motions. C’est le propre de la démocratie directe.

Le site d’hébergement de vidéos YouTube remet au goût du jour ce principe en Israël en offrant aux internautes électeurs une plateforme où chaque citoyen peut s’adresser directement aux principaux candidats aux élections législatives du 10 février. Les meilleures questions, départagées par le vote des internautes, sont ensuite diffusées dans le cadre d’une émission spéciale en présence des candidats et des internautes gagnants.

Ollie Rickman, un porte-parole de YouTube Israël, explique à FRANCE 24 que ce site est un “parfait modèle de démocratie en action”, l’objectif n’étant pas de faire des bénéfices mais de promouvoir le débat politique.

YouTube, miroir de la mosaïque israélienne

Les sujets soulevés par les internautes reflètent, quant à eux, la diversité des préoccupations de l’électorat israélien : de la sécurité à l’économie, en passant par l’environnement et la légalisation des drogues douces, tout y passe dans cette mosaïque de questions. Dana, une jeune militante de Greenpeace, interroge les candidats sur les programmes d’élevage qu’elle estime très polluants.

Coiffé d’un borsalino en feutre noir, Joseph de Sdérot demande à la candidate Tzipi Livni, actuelle ministre des Affaires étrangères, si elle compte suspendre le budget consacré aux "yeshivot", les écoles religieuses fréquentées par les juifs orthodoxes.

Mais au-delà de la diversité des questions, cet exercice démocratique montre les différentes sensibilités de la société israélienne. Un vrai patchwork qui défile dans les vidéos postées sur YouTube : le militant de gauche succède au colon d’extrême droite, le rappeur désabusé à l’assistante maternelle soucieuse de voir son salaire réajusté. Même la grand-mère presque centenaire de Jérusalem se prend au jeu des questions.

Pour davantage de démocratie… et d’argent ?

La campagne de YouTube en Israël est la dernière d’une longue liste d’élections organisées dans divers pays depuis près de deux ans. Afin de toucher un plus large public, le site communautaire s’associe à des chaînes influentes : CNN aux Etats-Unis, Channel 2 en Israël, BBC London en Grande-Bretagne, ou encore RTVE en Espagne, la chaîne SKAI en Grèce, et TV ONE en Nouvelle-Zélande.

Dans le cas de la campagne américaine, l’émission spéciale diffusée lors des primaires démocrates et intitulée "TheCNN/YouTube Debate" a ainsi recueilli le plus fort taux d’audimat jamais enregistré pour un débat présidentiel chez les 18-35 ans, selon YouTube.

Durant la campagne israélienne, plus de 250 vidéos, visionnées par des dizaines de milliers d’internautes, ont été postées sur le site. Ce chiffre est considérable, selon Channel 2, au vu du nombre de personnes connectées au Web dans l’Etat hébreu.

Si la motivation première de YouTube n’est semble-t-il pas financière, le site réalise néanmoins des gains considérables grâce à cette initiative.

David Burch, directeur commercial de la société TubeMogul, spécialisée dans le "web video analytics" et qui fournit des données sur la visibilité des vidéos en ligne, explique qu’il s’agit  essentiellement d’augmenter les recettes publicitaires. "Même si YouTube  n’affiche pas de la publicité à côté du contenu politique, il bénéficie d’une augmentation du trafic et génère des gains considérables en aval au fur et à mesure que les internautes naviguent sur le site."

Longtemps stigmatisé comme un fourre-tout peu fiable, YouTube aspire désormais à un rôle plus crédible tout en étant lucratif. Dans la jungle d’Internet, "le site semble vouloir montrer qu’on peut organiser le chaos", selon le journaliste-écrivain Francis Pisani, spécialiste des technologies de l’information et de la communication. "Et le chaos a du bon... Surtout si on a les instruments pour l’organiser."