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Des dizaines de manifestants tués lors du "vendredi de la colère"

Les forces de sécurité ont tiré sur des milliers de manifestants pacifistes dans plusieurs villes du pays. Au moins 62 personnes ont perdu la vie - la plupart à Deraa, foyer de la contestation au régime baasiste.

Le Conseil des droits de l'Homme de l'Onu condamne Damas

Le Conseil des droits de l'Homme de l'Onu (CDH) a voté vendredi à Genève une résolution américaine condamnant "explicitement l'usage de la violence meutrière contre les manifestants pacifiques par les autorités syriennes". La résolution prévoit l'envoi urgent d'une mission pour enquêter sur les violations présumées des droits de l'Homme et pour établir les faits et circonstances de ces violations et des crimes commis". Elle a été adoptée par 26 votes pour, 9 contre, et 7 abstentions (47 États sont membres du CDH).

Au moins 62 civils ont été tués vendredi en Syrie lors des manifestations contre le régime du président syrien Bachar al-Assad, la plupart à Deraa dans le sud du pays, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. Dans un premier bilan, l'organisation parlait de 48 morts.

L'Observatoire a fait état de 35 morts dans la province de Deraa (sud), 15 dans celle de Homs (centre) et un à Lattaquié (nord-ouest). Plus tard, on a appris que les forces de sécurité syriennes avaient ouvert le feu sur la foule à Rastan (centre), tuant 13 manifestants et en blessant 45.

A Deraa, foyer de la contestation, au moins trente-cinq personnes ont trouvé la mort, et des dizaines d'autres blessées par des tirs des forces de sécurité à l'entrée de la ville, ont indiqué à l'AFP des militants de droits de l'Homme. Des dizaines de milliers de personnes y bravaient l'interdiction de manifester en défilant dans plusieurs villes pour réclamer la chute du régime. Il y a une semaine, le vendredi 22 avril, la répression avait fait plus de 80 morts.

Parallèlement, un porte-parole militaire cité par l'agence officielle Sana a affirmé que quatre soldats syriens ont été tués à l'aube et deux autres enlevés à Deraa lors d'une attaque par un "groupe terroriste armé".

Les manifestants dans les rues de Deraa, Damas, Homs ou Banias

Six semaines après le début du mouvement de contestation sans précédent contre le régime du président Bachar al-Assad, "les jeunes de la révolution syrienne" avaient appelé sur Facebook à un "vendredi de la colère" en solidarité avec Deraa, berceau de la révolte, assiégé depuis lundi par l'armée.

Répondant à cet appel, 2.000 manifestants se sont rassemblés à Midane, un quartier de Damas, ont déclaré des militants à l'AFP. Et plusieurs milliers d'habitants se sont rassemblés à Saqba, près de la capitale.

Dans la ville industrielle de Homs (centre), des milliers de personnes ont crié "à bas le régime", d'après des vidéos filmées par des militants et diffusées pour la première fois en temps réel sur internet.

A Banias, près de 10.000 personnes ont manifesté en scandant "Liberté, solidarité avec Deraa", selon des militants des droits de l'homme.

A Deir Ez-Zor, à 460 km au nord-est de Damas, un millier de protestataires sortis des mosquées Al-Farouk et Al-Othman ont été dispersés "à coups de bâtons et de câbles électriques" par les forces de sécurité, a affirmé à l'AFP Nawaf al-Bachir, un militant des droits de l'Homme.

Et à Ar Raqqa, à 540 km au nord-est de la capitale, 300 à 400 personnes ont crié "Dieu tout-puissant, faites que le siège à Deraa soit levé", selon Abdallah al-Khalil, membre d'une association de défense de droits de l'Homme.

Dans la région à majorité kurde du nord de la Syrie, 15.000 personnes ont défilé sans incident à Qamichli et dans trois localités environnantes, selon des responsables kurde pour les droits de l'Homme.

Manifestations interdites malgré la fin de l'état d'urgence

Les autorités avaient cependant rappelé l'interdiction de manifester: "Dans les circonstances actuelles, le ministère de l'Intérieur appelle les citoyens à s'abstenir de mener des manifestations ou des sit-in sous n'importe quel slogan, sans autorisation officielle", selon un communiqué diffusé par l'agence officielle Sana.

"Les lois en vigueur seront appliquées afin de préserver la sécurité des citoyens et la stabilité du pays", avait ajouté le ministère.

Le 19 avril, M. Assad avait promulgué un décret obligeant les organisateurs de manifestations à obtenir au préalable une autorisation officielle dans ce pays dirigé d'une main de fer par un parti unique, le Baas, depuis 1963.

Quatre soldats tués, par des "terroristes" ou en protégeant les manifestants ?

L'armée a affirmé que quatre soldats syriens ont été tués et deux autres enlevés vendredi à l'aube lors d'une attaque contre un poste militaire à Deraa (sud) par un "groupe terroriste armé".

Plus tôt dans la journée, un militant à Deraa, Abdallah Abazid, avait déclaré à l'AFP que quatre soldats avaient "été tués en défendant les habitants".

"Nous sommes des gens pacifistes, à aucun moment nous n'avons porté les armes ni contre l'armée ni contre les services de sécurité", a affirmé M. Abazid.

Lundi, l'armée avait lancé une offensive sans précédent pour mater la révolte à Deraa où, selon un bilan de l'Observatoire des droits de l'Homme, 50 personnes ont été tuées.

Depuis le début de la contestation, plus de 500 personnes ont été tuées dans tout le pays, selon le "Comité des martyrs du 15 mars", proche des opposants. Mais le porte-parole militaire a démenti ce chiffre, expliquant que 148 personnes avaient été tuées - 78 militaires et policiers et 70 civils.

Le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU a tenu vendredi à Genève une session extraordinaire sur la Syrie, à la demande des Etats-Unis qui souhaitent l'adoption d'une résolution condamnant la répression.

Les Frères musulmans, principal groupe d'opposition dans le pays, ont accusé le régime de perpétrer un "génocide" et appelé le peuple à ne pas céder aux "tyrans", en référence à M. Assad.

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Reportage à la frontière syro-libanaise, traversée par des centaines de Syriens