logo

L'armée syrienne a fait appel à des renforts pour tenter de mettre fin, à Deraa, au mouvement de révolte qui s'est emparé de cette ville, épicentre de la contestation. La communauté internationale peine à prendre l'intiative dans ce dossier.

REUTERS - Coups de feu et tirs d'artillerie continuaient mardi matin de retentir dans la ville syrienne de Deraa, berceau de la contestation contre le régime de Bachar al Assad, où les civils se cloîtrent dans les maisons pour échapper aux chars et aux snipers présents dans les rues.

La communauté internationale en ordre dispersé

L'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne et le Portugal ont demandé au Conseil de sécurité des Nations unies de condamner la violente répression exercée par la Syrie contre des manifestants, a précisé un diplomate à l'agence Reuters.

Rome et Paris appellent le régime du président Bachar el-Assad à "arrêter la répression violente", a déclaré le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi à l'issue d'un sommet avec le président français Nicolas Sarkozy.

De son côté, le président Sarkozy a exclu une intervention militaire en Syrie sans une résolution préalable du Conseil de Sécurité de l'ONU.

Un peu plus tôt dans la journée, le Royaume-Uni a annoncé qu'il travaillait avec ses partenaires de la communauté internationale à la mise au point de mesures contre la Syrie.
 

L'armée s'est déployée lundi à Deraa, dans le Sud, et dans deux faubourgs contestataires de Damas et, selon un mouvement syrien de défense des droits de l'homme, 20 civils ont été tués.

La France et l'Italie ont appelé mardi les autorités syriennes à mettre un terme à la répression des manifestations.

Les Etats-Unis ont aussi condamné le recours à la force, mais les pays occidentaux, qui ont lancé des raids aériens pour protéger les civils libyens des assauts des forces de Mouammar Kadhafi, n'ont pris aucune initiative en Syrie.

Les critiques occidentales sont restées discrètes, en partie de crainte qu'un effondrement de la minorité alaouite au pouvoir déclenche un conflit interconfessionnel dans ce pays à dominante sunnite, mais aussi parce que Washington espérait que la Syrie s'éloignerait de son allié iranien et s'acheminerait vers un accord de paix avec Israël.

Les pays arabes, prompts à critiquer la répression des insurgés libyens par Kadhafi, nourrissent des préoccupations similaires et ont gardé le silence alors que le bilan de plus de cinq semaines de troubles en Syrie dépasse les 400 morts, selon l'organisation syrienne des droits de l'homme Saouassiah.

Certains pays arabes sont par ailleurs eux-mêmes confrontés à des mouvements de protestation inspirés des soulèvements tunisien et égyptien.

"Le monde a changé"

Saouassiah a déclaré mardi que les forces de sécurité avaient arrêté un demi-millier de sympathisants du mouvement pro-démocratie dans tout le pays après la reprise en main de Deraa par les forces de sécurité.

Elle a ajouté que 20 personnes avaient été tuées dans cette ville du Sud, deux autres à Douma, et une dans l'un des faubourgs de Damas où l'armée s'est déployée lundi.

Amnesty International, citant des sources à Deraa, a fait état d'au moins 23 personnes tuées à Deraa par des tirs de chars.

it
"La population syrienne appelle à l'aide"
Bachar al-Assad maintient la pression sur les révoltés de Deraa

L'Observatoire syrien des droits de l'homme a rapporté que Kassem al Ghazzaoui, figure de la lutte pour les droits de l'homme, avait été arrêté mardi dans sa ville de Deir al Zor, dans l'est du pays.

Jeudi dernier, Assad a levé l'état d'urgence en vigueur depuis 48 ans. Mais le lendemain, une centaine de personnes ont été tuées lors de manifestations dans l'ensemble du pays.

"Le régime a choisi le recours à une violence excessive. Cela a marché en 1982, mais rien ne garantit que cela marchera à nouveau à l'époque d'internet et des caméras intégrées aux téléphones portables", note un diplomate en évoquant la répression qui avait fait 30.000 morts à Hama sous la présidence de Hafez al Assad, père de Bachar.

Ali Al Atassi, un militant dont le père a été détenu pendant 22 ans sous le régime de Hafez al Assad, estime qu'"un autre Hama" n'est pas possible.

"A l'époque, le monde n'avait pas vu une seule image de cadavre, mais hier toutes les photos ont été mises en ligne quelques heures seulement après l'entrée des chars dans Deraa.

"Ce régime ne comprend pas que le monde a changé, que la région arabe a changé et que le peuple syrien a changé", dit-il.

Des images diffusées ces derniers jours sur internet par des manifestants montrent des militaires tirant sur des foules non armées.

Tireurs embusqués

Des habitants de Deraa ont déclaré que les lignes téléphoniques, l'électricité et l'eau étaient coupées. L'un d'entre eux, communiquant par téléphone satellite, a fait état de coups de feu intermittents au cours de la nuit suivis, vers 07h30 (04h30 GMT), de tirs d'artillerie et de rafales de mitrailleuse.

Il a ajouté que les habitants étaient non seulement coupés du monde extérieur mais aussi des autres quartiers de la ville.

Cependant, a-t-il dit, dans le quartier de Sabil, une manifestation de 300 jeunes a pu se tenir. Les soldats postés à côté d'un char déployé à proximité ont déposé leurs armes pour faire comprendre qu'ils ne tireraient pas, a-t-il dit.

Les habitants pensent toutefois que des tireurs embusqués restent actifs dans la ville.

"Ils ne veulent pas que les gens enterrent leurs morts", a dit le témoin, ajoutant que, l'électricité étant coupée, les mosquées sont dans l'impossibilité d'annoncer le nom des défunts.

Les forces gouvernementales se sont aussi déployées lundi à Douma et Mouadhamia, des faubourgs de Damas, au lendemain d'une intervention dans la ville côtière de Djabla où au moins 13 civils ont été tués, ont rapporté des militants des droits de l'homme.

Selon des diplomates, le nombre de civils tués pourrait atteindre 50 à Deraa et 12 à Mouadhamia, au sud-ouest de Damas, sur la route menant au plateau du Golan occupé par Israël.