Avec plus de 676 nouveaux titres publiés, la rentrée littéraire fait dans l’hétéroclite. Des "blockbusters" de l’édition aux premiers romans, en passant par les parcours singuliers, revue de détail des sorties les plus emblématiques.
La "rentrée littéraire", en France, est une sorte de déferlante éditoriale ritualisée. Tous les ans, dès la fin du mois d’août, les libraires s’agitent, les journalistes se mobilisent, parce que les romans pullulent.
La rentrée 2008 ne fait pas exception : pas moins de 676 romans sont publiés. Dans le détail, on décompte 466 romans français et 210 romans étrangers. La tendance est, manifestement, à une stabilisation des chiffres, après dix années de croissance quasi ininterrompue de la production éditoriale. En 1998, 488 romans s’affrontaient dans le cadre de la rentrée littéraire. Le pic a été atteint en 2007, avec 727 œuvres publiées.
Cette profusion saisonnière de romans ne nuit-elle pas à leur visibilité ? Les livres ont-ils le temps de trouver leur public tant les ouvrages s’empilent sur les rayonnages des librairies ? "C’est un faux débat qui revient chaque année. Il n’y a pas d’effritement des ventes. Le secteur se porte bien", commente Christine de Marzières, déléguée générale du Syndicat national de l’édition (SNE), qui rappelle que le livre est la première industrie culturelle en France en termes de chiffre d’affaires.
Quelque 98 éditeurs présents dans la rentrée littéraire
Si le nombre de titres se stabilise, le nombre d’éditeurs engagés dans cette cohue augmente légèrement cette année. Quelque 98 éditeurs sont présents en cette rentrée littéraire 2008, contre 90 l’année précédente. "La multiplication des petites structures est un facteur de créativité", précise encore Christine de Marzières, qui ajoute que "l’essence du métier d’éditeur, c’est précisément la sélection des manuscrits."
Le SNE dénombre 5 000 éditeurs en France ayant moins de 10 titres à leur catalogue. Et les "petites" maisons d’édition peuvent profiter de la rentrée littéraire pour faire valoir leur travail. "Je publie en moyenne 10 livres par an depuis 2002. Mais en général, je n’en publie que trois à la rentrée, confie Sabine Wespieser, fondatrice des éditions du même nom. Parce qu’il faut rester prudent et ne lancer que des livres auxquels on croit si on veut leur laisser une chance."
Généralement créées par d’anciens éditeurs expérimentés et formés par des années de travail dans les plus prestigieuses maisons, ces structures ne peuvent tourner qu’en s’appuyant sur de toutes petites équipes et se concentrent uniquement sur quelques livres. Leur ambition ? Constituer, patiemment, livre après livre, un catalogue reflétant leur goût et leur conception de l’édition.
Premier objectif d’une maison d’édition : le catalogue
Passée par Actes Sud puis Flammarion, Sabine Wespieser a choisi de se lancer dans l’aventure de l’édition en solitaire en 2002 pour défendre "ses" auteurs. Le succès des éditions Sabine Wespieser montre que la patience peut payer. Aujourd’hui, 68 ouvrages s’alignent sur son catalogue, pour trois employés à temps plein, et un à mi-temps. Et à son palmarès figure, d'ailleurs, un beau succès digne des grandes maisons en termes de ventes : "Terre des oublis", de Duong Thu Huong, a été tiré à près de 250 000 exemplaires. Un titre qui permet de consolider le travail de la maison.
Pour cette rentrée 2008, les éditions Wespieser poursuivent leur travail, et publient l’un des romanciers les plus prometteurs en la personne de Philippe de la Génardière, avec son Année de l’éclipse. Son livre, tiré au départ à 5 000 exemplaires, a déjà été réimprimé, et approche la barre des 10 000 livres.
Si les éditeurs répètent qu’ils font dans "l’artisanat", réussir à rassembler quelques succès dans son catalogue est le meilleur moyen pour assurer un certain équilibre financier. "Avec, le plus souvent, des auteurs phare, comme Fred Vargas édité depuis longtemps chez Viviane Hamy", analyse Christine Andreucci, journaliste à Livres Hebdo, les éditeurs peuvent se permettre de tâtonner.
Des auteurs confirmés dans les petites maisons
Cette année encore, des auteurs confirmés n’hésitent pas à faire leur rentrée par le truchement de ces petites maisons. Viviane Hamy publie, par exemple, "L’Incendie du Chiado", de François Vallejo, les éditions Gallade sortent "La Malédiction du chat hongrois", d’Irvin Yalom, et les éditions Rivages présentent le dernier David Lodge, "La Vie en sourdine".
Les grandes maisons d’édition historiques – on décompte 20 éditeurs, en France, ayant plus de 5 000 titres chacun à leur catalogue – contribuent, à leur façon, à animer la rentrée. En chiffres, cela donne Gallimard et Fayard qui publient 18 romans chacun, Le Seuil 15, Grasset 14, Le Rocher 13, Flammarion et Actes Sud 12 chacun, Stock 9, Plon et L’Olivier 7 chacun, et Le Mercure de France 6.
Pour un best-seller en France, il faut vendre 20 000 exemplaires
Sur les rangs, Amélie Nothomb par exemple, auteur entre autres de "Stupeur et tremblements", capable de rassembler régulièrement ses inconditionnels autour de livres à la fois fantasques et faciles d’accès, et qui se vendent bien. Son dernier ouvrage, "Le Fait du prince", a déjà été tiré à 200 000 exemplaires par les éditions Albin Michel. Sachant que, pour le monde de l’édition en France, un best-seller émarge à 20 000 exemplaires vendus, Amélie Nothomb fait tout de suite figure de grosse production.
D’autres font figure d’incontournables, autant pour la polémique qu’ils suscitent dans les médias, que pour ce qu’ils représentent, une littérature à la française, essentiellement connue sous le genre de "l’auto-fiction", n’ayant peur ni des mots (crus), ni des révélations (intimes). Catherine Millet (auteur de "La Vie sexuelle de Catherine M.", 700 000 exemplaires vendus en France, et traduit dans 33 langues), écrivain et directrice de la rédaction d'Art Press, explore la jalousie à l’œuvre dans un couple mis à l’épreuve par l’infidélité dans "Jour de souffrance" (Flammarion), quand Christine Angot, dans la même veine, sort aux éditions du Seuil son quatorzième roman, "Le Marché des amants".