Mahmoud Issa, opposant syrien et ancien détenu politique, a été arrêté par "une patrouille" des services de la sécurité politique à Homs (centre) peu après l'annonce de la levée de l'état d'urgence en Syrie, selon une ONG.
"Damas lâche une carotte mais pas le bâton", titre le quotidien francophone libanais L’Orient le Jour. Et pour cause : quelques heures à peine après la levée de l’état d’urgence, en vigueur depuis 48 ans en Syrie, Mahmoud Issa, figure de l’opposition syrienne, a été arrêté à son domicile par la police politique.
"Une patrouille des services de la sécurité politique a arrêté mardi soir à Homs [ville du centre de la Syrie] l’opposant Mahmoud Issa, après qu’il a accordé un entretien à la télévision Al-Jazira", rapporte depuis la Grande-Bretagne le président syrien de l’Observatoire des droits de l’Homme, Rami Abdel Rahmane.
Ancien détenu politique, Mahmoud Issa a été emprisonné entre 1992 et 2000 pour son appartenance au parti du Travail (parti communiste syrien interdit par les autorités) puis entre 2006 et 2009 pour s’être exprimé en faveur d’un Liban souverain et indépendant.
"Issa est un ancien prisonnier politique connu. L’arrêter quelques heures après avoir annoncé la levée de l’état d’urgence est répréhensible", a commenté Rami Abdel Rahmane.
Répression sanglante
Au cours de son entretien avec la chaîne qatarie Al-Jazira, l’opposant a évoqué l’assassinat de l’officier Abdo Khodr Al-Tellaoui et de sa famille, lundi dernier à Homs, et appelé à ce qu’une enquête indépendante soit menée. "Il faut arrêter les assassins", a-t-il conclu. Les autorités syrienne ont attribué ces meurtres à "des gangs armés criminels", et a promis de mater "une rébellion armée de groupes salafistes". "Ni salafiste, ni Frère musulman. Nous voulons la liberté", ont scandé, en réponse, des centaines de personnes.
Mardi matin, juste avant l’annonce de la levée de l’état d’urgence, une nouvelle manifestation anti-gouvernementale a été réprimée dans le sang à Homs, au moins trois personnes ont été tuées, selon les ONG sur place. Dans cette même ville, creuset intellectuel et artistique de Syrie, au moins 17 personnes ont été tuées dimanche dans les mêmes circonstances.
La mobilisation ne faiblit pas
"Les concessions faites par le gouvernement ont été obtenues a un coût très élevé en vies humaines", a réagi mardi soir Malcom Smart, directeur d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, après l’annonce de la levée de l’état d’urgence.
L’annonce du gouvernement syrien a également reçu un accueil pour le moins circonspect de la Maison Blanche. La levée des mesures d’exception, en vigueur dans le pays depuis 1963, est en effet assortie d’une loi régulant "le droit de manifester pacifiquement". "La nouvelle législation pourrait se révéler aussi restrictive que l’état d’urgence qu’elle a remplacé", a jugé Mark Toner, porte-parole du département d’état américain.
En Syrie, le mouvement de l’opposition n’a pas faibli à l’annonce du gouvernement. "Il y a tout un tas d’autres lois qui devraient être abrogées, telle que celle garantissant l’immunité aux forces de sécurité ou autorisant les tribunaux militaires à juger des civils", affirme notamment Rami Abdel Rahmane.
Au cours de la nuit, des rassemblements se sont tenus dans différentes régions du pays.