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Le journaliste Iyad Issa a quitté avec grand fracas le syndicat des journalistes syriens, en publiant ce mercredi un communiqué dans lequel il dénonce l’attitude des médias de son pays. Entretien.

Le journaliste Iyad Issa a décidé de claquer la porte du syndicat des journalistes syriens, en publiant ce mercredi un communiqué dans lequel il dénonce l’attitude des médias de son pays. Il a également exprimé son soutien total au mouvement de protestation qui secoue le pays depuis quatre semaines. Une première en Syrie, où les médias sont sous l’étroite surveillance du régime. Il explique sa démarche à FRANCE 24.

FRANCE 24 : Pour quelles raisons avez-vous décidé de quitter le syndicat des journalistes syriens ?

Iyad Issa : Lorsqu’un syndicat de journalistes manque à tel point de transparence dans sa couverture des mouvements de protestations et lorsqu’il refuse d’apporter son soutien aux revendications populaires appelant à plus de libertés, il ne s’agit plus de journalisme. Ces gens-là se comportent tout simplement comme des "baltageyas" - (en arabe des casseurs payés à la journée par le gouvernement pour "faire régner l’ordre") - déguisés en journalistes. Je trouve donc déshonorant d’appartenir à un tel syndicat, d’autant plus qu’il est présidé par un personnage, Elias Mrad, qui refuse de reconnaître les martyrs qui tombent dans les manifestations. C’est pour cela que je m’élève contre ces pratiques. Car il existe en Syrie, des journalistes qui comprennent et soutiennent les revendications des manifestants. C’est le minimum que je puisse faire face aux torrents de sang qui se déversent dans les rues du pays.

F24 : De quelle manière le soulèvement populaire est-il relaté par les médias officiels syriens ?

I.I : Plus d’une centaine de personnes ont été tuées dans des manifestations pacifiques, organisées ces dernières semaines dans plusieurs villes du pays. Mais le président du syndicat des journalistes syriens et les personnes chargées par le régime de s’exprimer sur les antennes des médias étrangers démentent ces chiffres. Le rôle actuellement joué par les médias syriens est mortel. En effet, au lieu de faire leur travail et de calmer les esprits, ils jettent de l’huile sur le feu. D’une part en mobilisant les partisans du régime contre les manifestants, et d’autre part en provoquant ces derniers parce qu'ils minimisent leur mobilisation et en moquent leurs revendications.

F24 : Votre prise de position vous expose-t-elle à une réaction de la part du régime ? Avez-vous peur pour votre sécurité et pour la suite de votre carrière ?

I.I : Oui évidemment. J’ai toujours grandi dans un climat de peur en Syrie. Mais quand je vois ce qui se passe à Deraa et à Banias notamment, je ne peux plus me taire. Quand je vois des jeunes avoir le courage de faire face à des chars, ma conscience s’emballe. Je vais peut-être en payer le prix, il se peut que je sois arrêté, tabassé jusqu’à ce que mes os se brisent ou encore qu’on m’arrache les ongles à l’instar de certains manifestants. Je suis prêt à payer ce prix, je ne vaux pas plus que les martyrs qui sont tombés au nom de la liberté. Je suis journaliste, je me dois d’être le premier à croire en cette liberté, où alors je n’ai rien à faire dans cette profession.