
, envoyée spéciale sur les Champs-Élysées – La loi interdisant le port du voile intégral dans les lieux publics en France est entrée en vigueur le 11 avril. Notre reporter est allée à la rencontre de touristes originaires de pays musulmans et susceptibles d'être voilées sur les Champs-Élysées.
Croiser des femmes vêtues du voile intégral le premier jour de l’entrée en vigueur de la loi l’interdisant n’a pas été une simple affaire. Les heures de guet et de va-et-vient le long de la célèbre avenue des Champs-Élysées à Paris ont suscité la curiosité des passants. Mais il n’y avait pas l’ombre d’un voile intégral à l’horizon, ni sur l’avenue, ni dans les boutiques de luxe susceptibles d’être fréquentées par des femmes fortunées aux visages couverts et aux porte-monnaie bien ouverts.
"En France nous faisons du shopping pour des milliers de dollars, quelques euros de plus ou de moins ne nous affectent pas"
Une femme vêtue d'un voile ample cachant une partie de ses cheveux noirs - la couleur de ses yeux - sortait de la boutique d’un maroquinier de luxe, suivie d’une vendeuse chargée de grandes valises quand je l’ai abordée. Une Mercedes haut de gamme l’attendait, en stationnement interdit. Lui promettant en arabe de ne pas prendre de photos pour que son garde du corps me laisse l’approcher, elle m’a répondu dans un dialecte des pays du Golfe : "Bonjour, que désirez-vous ?". Je lui ai alors demandé son avis concernant la loi française qui interdit le port du voile intégral dans les lieux publics.
"Nous venons à Paris, nous dépensons des milliers de dollars en deux ou trois jours au plus dans les grands magasins et les hôtels de luxe. Nous ne vivons pas chez eux, c’est pour ça que cette loi étrange ne nous affecte pas. Les dizaines d’euros réclamés par les Français ne nous touchent pas. Je ne porte pas un voile intégral, mais mes proches au Koweit le font et aucune d’elle n’est prête à l’enlever même si cela devait coûter mille euros".
"Le vestimentaire fait partie des libertés personnelles, comment les Français peuvent-ils le légiférer ?"
Assise un moment face à une parfumerie, espérant y voir une femme en niqab, attirée par les fragrances parisiennes : toutes les touristes voilées qui y entraient et en sortaient avaient le visage découvert. Je me suis résignée à aborder une femme dans la quarantaine qui appelait son fils, Ahmed. "le choix des habits fait partie des libertés personnelles, personne ne doit s’en mêler tant que ça ne cause pas de tort aux autres. Quel mal commet une femme en se voilant intégralement ? Quel tort cause-t-elle aux autres ?". Je lui ai alors précisé que les Français ont instauré cette loi pour pouvoir vérifier l’identité des personnes cachées par ce voile, pour des raisons de sécurité et pour protéger les femmes des maris ou des frères qui les obligeraient à le porter.
"Quelqu’un qui voudrait commettre un acte mettant en danger la sécurité des autres ne se ferait pas remarquer en se cachant le visage, puisque tout le monde a le visage découvert, a-t-elle répondu. Je ne sais pas s’ils sont idiots à ce point ou s’ils nous considèrent comme tels. De plus, ils prétendent vouloir protéger les femmes musulmanes ; supposons qu’ils le fassent dans la rue, que feront-ils une fois ces femmes rentrées chez elles ? mettront-ils un policier dans chaque maison pour les défendre et garantir leur liberté ?"
"C’est étrange ces Français qui imposent aux gens une façon de s’habiller"
Une jeune femme portant sac à main et lunettes de soleil au logo d’un grand couturier, foulard bariolé également siglé, est entrée dans la boutique d’un autre grand maroquinier. Saoudienne, elle est venue passer une semaine de vacances en compagnie de son fils et de son époux. " Si un pays musulman imposait aux gens une façon de s’habiller cela aurait déchaîné les passions et on l’aurait accusé de racisme et de fermeture, s’est-elle indigné. Mais lorsqu’un pays occidental le décide, cela ne pose aucun problème. Laissez les gens s’habiller comme bon leur semble et ne vous mêlez pas de cela. Si les Français sont amateurs de nudité, qu’ils laissent au moins les autres se couvrir comme ils le désirent. Par ailleurs, l’hospitalité leur dicte-t-elle d’imposer à leurs hôtes des conditions vestimentaires ? Nous sommes des touristes ici. Comment peuvent-ils nous interdire un habit en particulier ?"