
Les forces du colonel Khadafi ont continué de bombarder des positions rebelles à l'ouest d'Ajdabiya, provoquant un nouveau repli des insurgés. Une mission de l'Union africaine est attendue dimanche à Tripoli pour tenter d'obtenir un cessez-le-feu.
Un navire d'aide humanitaire affrété par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a accosté samedi dans le port de Misrata assiégée par les forces régulières de Mouammar Kadhafi.
Jean-Michel Monod, qui dirige l'équipe du CICR actuellement à Tripoli, précise dans un communiqué que le navire transporte du matériel médical et des médicaments suffisant pour soigner 300 patients blessés par balles "en soutien au principal hôpital de Misrata".
Une équipe du CICR est par ailleurs en route pour Zaouiah, à l'ouest de Tripoli. La Croix-Rouge négociait depuis plus d'une semaine avec les autorités libyennes pour obtenir un droit d'accès à des zones de l'Ouest libyen sous leur contrôle.
Les forces fidèles au dirigeant Mouammar Kadhafi ont repoussé samedi à coups de tirs d'artillerie les rebelles vers Ajdabiya, dans l'est de la Libye, à la veille d'une nouvelle mobilisation diplomatique pour tenter d'obtenir un cessez-le-feu.
Alors que les insurgés s'étaient rapprochés dans la matinée à quelques dizaines de kilomètres de Brega (80 km à l'ouest d'Ajabiya), ils ont essuyé des tirs d'obus et de roquettes qui les ont obligés à battre en retraite vers l'est.
Au moins 10 fortes explosions ont été entendues dans les environs d'Ajdabiya, tandis que les forces loyalistes bombardaient les insurgés dans leur retraite, selon un journaliste de l'AFP.
Après une violente explosion, suivie d'un immense panache de fumée, plusieurs témoins ont assuré qu'il s'agissait d'une frappe aérienne de l'Otan. Mais l'Alliance atlantique a démenti, affirmant qu'aucun de ses avions n'avait effectué de frappe samedi sur Ajdabiya.
Les rebelles violent la zone d'exclusion aérienne
En milieu de journée, des dizaines de voitures ont fui la ville vers l'est et le nord, direction Benghazi, le fief rebelle situé à 160 km plus au nord.
En chemin, des journalistes de l'AFP ont vu un hélicoptère militaire, arborant les couleurs des rebelles, volant à très basse altitude dans la direction du front, donc en violation de la zone d'exclusion aérienne en vigueur depuis le 19 mars. L'Otan a dit enquêter sur cet hélicoptère.
Des avions de l'Otan ont par ailleurs intercepté un chasseur MiG-23 piloté par un rebelle qui violait la zone d'exclusion et l'ont contraint à atterrir, a déclaré à l'AFP un responsable de l'Otan.
En fin de journée, les insurgés contrôlaient toujours l'est d'Ajdabiya et quelques voitures revenaient dans la ville, notamment un convoi de véhicules militaires. Selon des habitants, des affrontements isolés avaient cependant lieu dans différentes parties de la ville.
"Je suis là pour faire tomber Kadhafi"
Jeudi et vendredi, les tirs d'obus de l'armée régulière avaient déjà provoqué des mouvements de panique parmi les rebelles, accompagnés dans leurs mouvements par des dizaines de jeunes Libyens, à l'image de Mohamed Muftah, 20 ans, béret noir sur la tête et drapeau de la "Libye libre" sur les épaules.
"Je suis là pour faire tomber Kadhafi. Soit on meurt en martyr, soit on gagne", dit-il. Mais, sans arme ni expérience militaire, il reconnaît que sa contribution se limite à "encourager les soldats, les aider pour porter les munitions, distribuer la nourriture".
Le ministère britannique de la Défense a indiqué que des Tornado de la Royal Air Force avaient touché sept chars des pro-Kadhafi vendredi, deux dans le secteur d'Ajdabiya et cinq dans celui de Misrata (ouest).
Une délégation de l'Union Africaine attendue dimanche à Tripoli
Alors que l'Otan et les Etats-Unis divergent sur les risques d'enlisement, l'Union africaine (UA), l'Union européenne (UE) et la Ligue arabe ont annoncé de nouvelles initiatives, à quelques jours d'une réunion du Groupe de contact sur la Libye mercredi prochain à Doha (Qatar).
La Ligue arabe accueillera le lendemain jeudi au Caire une conférence en présence notamment du secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon et de la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton.
Dès ce dimanche, un groupe de dirigeants africains --le président sud-africain Jacob Zuma et ses homologues du Congo, du Mali, de Mauritanie et d'Ouganda-- est attendu en Libye. Objectif affiché de ces médiateurs de l'UA: rencontrer Mouammar Kadhafi puis des responsables de l'insurrection dans leur fief de Benghazi pour tenter d'obtenir un cessez-le-feu.
La rébellion a par avance rejeté toute idée d'un cessez-le-feu impliquant le maintien au pouvoir de Mouammar Kadhafi ou de ses fils.
"Nous savons exactement ce que nous voulons. S'ils pensent qu'il peut y avoir une période de transition avec Kadhafi ou ses fils, alors ils doivent se rendre à Misrata (ville théâtre de violents affrontements, ndlr) où des femmes et des enfants ont été violés et leur dire ça", a averti Moustapha Gheriani, un porte-parole de la rébellion.
Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a estimé qu'il n'y avait "pas de solution militaire" au conflit et qu'il fallait une solution politique, dans une interview au magazine Der Spiegel.
Une mission militaro-humanitaire en route pour Misrata
Dans ce contexte mouvementé, l'écrivain français Bernard-Henri Lévy est attendu à Benghazi, point de départ d'une visite "indépendante" d'une semaine dans le pays.
L'intellectuel s'était déjà rendu début mars à Benghazi, où il avait rencontré des membres du Conseil national de transition (CNT) avant d'organiser leur rencontre à Paris avec le président français Nicolas Sarkozy et de plaider pour une intervention militaire.
Mardi, les ministres européens des Affaires étrangères ont prévu de rencontrer un représentant du CNT, une première pour l'UE dans son ensemble. La France, le Qatar et l'Italie ont déjà reconnu officiellement cet organisme représentatif des insurgés.
L'UE se prépare en outre à lancer une mission militaro-humanitaire pour aider la population assiégée de Misrata (210 km à l'est de Tripoli), bombardée depuis un mois et demi par les forces de Kadhafi.
Samedi, un navire affrété par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a accosté dans cette ville, la troisième du pays, avec à son bord suffisamment de fournitures médicales pour soigner 300 blessés.