
Après la réintégration par le Vatican d'un évêque niant l'Holocauste, la chancelière allemande a demandé au souverain pontife de rejeter sans ambiguïté toute négation du génocide juif par l'Allemagne nazie.
AFP - La chancelière allemande Angela Merkel est devenue jeudi le premier chef de gouvernement à critiquer le pape Benoît XVI après la réintégration d'un évêque niant l'holocauste.
"Il n'est pas possible que cela soit sans conséquence", a expliqué Mme Merkel, en réponse à une question sur la décision du pape, son compatriote, de réintégrer un évêque négationniste.
"La question ne concerne pas seulement les communautés chrétienne, catholique et juive en Allemagne, mais il faut que de la part du pape et du Vatican il soit clairement établi qu'on ne peut pas nier l'Holocauste", a-t-elle déclaré en marge d'une conférence de presse à Berlin avec le président kazakh Noursoultan Nazarbaïev.
La clarification apportée par le pape "est, de mon point de vue, encore insuffisante", a dit la chancelière, qui gouverne un pays où la question de l'Holocauste est évidemment particulièrement sensible.
"Si le comportement du Vatican peut donner l'impression que l'Holocauste peut être nié, alors il s'agit de questions fondamentales (concernant) la relation avec le judaïsme", a expliqué Mme Merkel, notant que "en règle générale" elle n'avait pas à commenter les décisions de l'Eglise catholique romaine.
"Je dois néanmoins préciser, en tant que protestante, que je trouve encourageant que de nombreuses voix au sein de l'Eglise catholique aient réclamé une clarification", a ajouté Mme Merkel, fille d'un pasteur luthérien.
Mgr Richard Williamson, l'un des quatre évêques intégristes de la fraternité Saint-Pie X dont l'excommunication a été levée par le pape le 24 janvier, a nié deux jours auparavant l'existence des chambres à gaz.
Depuis, le pape a exprimé sa "solidarité" avec les juifs et a condamné à deux reprises la négation de la Shoah mais sans évoquer Mgr Williamson.
En Allemagne, où le négationnisme est passible de prison, les réactions ont été d'autant plus violentes que le pays était fier en 2005 de l'élection de l'un des siens au trône de Saint-Pierre. Un éminent théologien, Hermann Häring, a recommandé lundi au pape de démissionner. Pour l'évêque de Hambourg Werner Thissen il y a "très clairement une perte de confiance" dans le pape. "Rehabiliter un négationniste est toujours une mauvaise décision" a-t-il dit.
L'évêque de Stuttgart, Gebhard Fürst, a reconnu de son côté que la décision papale "portait atteinte à la crédibilité de l'Eglise catholique" et avait créé "beaucoup d'incertitude, d'incompréhension et de déception".
Le prestigieux hebdomadaire Der Spiegel fait sa Une cette semaine sur celui qui fut le cardinal Josef Ratzinger, sous le titre "Celui qui plane", et tente d'analyser pourquoi "un pape allemand fait du mal à l'Eglise catholique".
Peu après la décision pontificale, la communauté juive d'Allemagne avait annoncé la suspension jusqu'à nouvel ordre de tout dialogue avec l'Eglise catholique. "Ce qu'a fait Benoît XVI est inexcusable", a souligné dans une interview au Spiegel le vice-président du Conseil central des juifs d'Allemagne, Salomon Korn.
"Un pape allemand - c'est comme cela que le monde le perçoit - accorde sa grâce à quelqu'un qui nie l'Holocauste, et cela quelques jours à peine avant la célébration de la libération d'Auschwitz (le 27 janvier 1945). Je tenais Ratzinger pour un homme circonspect et clairvoyant. Apparemment je m'étais trompé", a ajouté M. Korn.