
Le président syrien, Bachar al-Assad, s'est exprimé pour la première fois depuis le début de la vague de protestations qui agite son pays. L'opposant en exil Wael al-Hafez réagit au discours tant attendu de l'homme fort de Damas.
Exilé depuis 33 ans, Wael al-Hafez est le porte-parole du Mouvement populaire pour le changement en Syrie. Interrogé par FRANCE 24, il réagit au discours du président Bachar al-Assad, qui s’exprimait ce mercredi après deux semaines de manifestations réprimées dans la violence.
France 24 : Comment réagissez-vous au discours tant attendu du président Bachar al-Assad ?
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Wael al-Hafez : Bachar al-Assad n’a rien annoncé de nouveau. On s’attendait à ce genre de discours, il n’a rien de surprenant. Souriant alors que le sang syrien a coulé, il a multiplié les promesses, déjà prononcées il y a dix ans. Il a été applaudi par ce qui ressemblait plus à une classe d’école qu’à une assemblée d’élus. Le pays attendait et méritait autre chose, notamment des initiatives concrètes pour régler la crise comme la levée de l’état d’urgence. Mais Bachar al-Assad a évité de parler des causes de la colère, préférant au contraire évoquer des complots étrangers. Selon lui, des traîtres conspirateurs tentent d’écraser la Syrie, mais en vérité seul son régime dictatorial et illégitime écrase le peuple syrien.
F24 : Après avoir montré, ces derniers jours, des signes d’essoufflement, le mouvement de protestation peut-il reprendre en Syrie ?
W. H. : Le peuple redescendra dans la rue, torse nu devant les mitraillettes du régime. La révolution a démarré, le mur de la peur est tombé, le combat pour la liberté continue. Le mouvement ne s’est pas essoufflé, il s’est plutôt mis en pause, comme pour donner une deuxième chance au régime, qui avait annoncé des changements radicaux. En échange, Bachar al-Assad s'est fait menaçant, se disant prêt à combattre ceux qui s’opposent à lui. Il veut donc faire la guerre à des manifestants pacifiques dont le seul slogan est "liberté, liberté". Nous lutterons jusqu’à la chute du régime, pacifiquement, car nous voulons en finir avec 40 ans de corruption, de répression, d’écrasement et de surveillance par les services secrets. On veut obtenir cette liberté même au prix de martyrs.
F24 : La multiplication des manifestations en faveur du président syrien ces derniers jours ne démontre-t-elle pas que la société syrienne reste divisée sur le régime de Damas ?
W. H. : Les manifestations pro-Assad sont organisées par le régime et filmé par la télévision d’État. Les manifestants que les caméras des médias syriens montrent sont ceux qui vivent grâce au pouvoir. Menacés, les journalistes étrangers ne peuvent pas travailler en Syrie, ils sont empêchés de montrer la vérité. Vendredi, le peuple syrien risque de manifester dans toutes les rues. Al-Assad se dit démocrate, mais s’il est vraiment courageux qu’il laisse ses médias filmer les manifestations de vendredi prochain. À ce moment-là seulement, on pourra faire une comparaison.