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Les insurgés convergent vers Ajdabiya, fief rebelle dans l'Est, à 160 km au sud de Benghazi, pour reprendre le contrôle de cette ville clé. Mais leur avancée est freinée par leur manque d'expérience, d'armement et de communication.

À quelques centaines de mètres de la ligne de front, entre Benghazi et Ajdabiya, un  insurgé libyen révise une dernière fois. Assis sur un tonneau, à l’arrière d’un pick-up, le jeune homme, âgé d’une vingtaine d’années, keffieh sur la tête et lunettes d’aviateur sur le nez, découvre la vieille mitrailleuse lourde anti-aérienne qu’on lui a mise entre les mains, quelques minutes plus tôt.

Comme la plupart des rebelles de Benghazi, ce combattant libyen ne s’était jamais servi d’une arme avant le début de l’insurrection, le 17 février. Porté par le vent du désert, il file pourtant au front. Sans se retourner, sans hésitation.
Il s’apprête à défendre Ajdabiya, fief des rebelles dans l’Est, à 160 kilomètres au sud de Benghazi. Depuis plusieurs jours, la ville est encerclée par les troupes du colonel Kadhafi. Ce matin-là, une douzaine de chars du régime de Tripoli entouraient encore la cité.
Malgré la concentration de volontaires qui affluent à Ajdabiya, les insurgés, peu armés, sans expérience et sans moyens de communication, peinent à reprendre le contrôle de la ville.
"Les rebelles ne parviennent pas à avancer. Ils ne font pas le poids. Ils n’ont pas suffisamment d’armements pour affronter les chars et les tanks de Mouammar Kadhafi, rapporte Pauline Simonet, envoyée spéciale de FRANCE 24 à Benghazi. Les insurgés avancent parfois à pied, avec des couteaux, avec des pick-up derrière eux, sans aucune organisation".
Avançant sur le front sans savoir ce qui les attend, les insurgés sont accueillis par les tirs d’artilleries lourdes de l’armée régulière qui les oblige la plupart du temps à rebrousser chemin.
Les soldats de métier à la rescousse
Les jeunes insurgés peuvent cependant compter sur le ralliement de soldats dissidents de l’armée régulière ayant rejoint les rangs de la contestation. Combattants aguerris, ils prodiguent leurs conseils à la jeunesse, sans cacher leur agacement face au manque de professionnalisme et d’organisation des apprentis guerriers.  
"Nous, les militaires, on est là pour appuyer les insurgés. Avec notre expérience, on essaie d'aider les révolutionnaires, mais c'est difficile de composer avec eux, ils se comportent comme des miliciens. Mais on fera tout pour les aider parce qu'on est des professionnels", confie le colonel Mohammed Laabidi.
Avec ses hommes, le colonel Laabidi s'enfonce dans le désert pour contourner les chars postés à l'entrée d'Ajdabiya, tandis que les autres poursuivent leur avancée sur l'axe principal, jonché de restes calcinés de l'armée libyenne.
"Il y a d’anciens militaires qui ont retourné leur veste et qui continuent à rejoindre l’insurrection, mais cela prend du temps. Au moment de la prise de Benghazi [par les insurgés], les casernes se sont vidées et beaucoup de soldats ont pris la fuite. D’autres sont restés discrètement ici", continue Pauline Simonet. 
Pour éviter le massacre, les forces de la coalition sont également sur le terrain. Dans la nuit de jeudi à vendredi, un Tornado britannique a tiré des missiles sur les véhicules blindés de l’armée régulière. "Le Tornado a lancé un certain nombre de missiles Brimstone sur des véhicules blindés libyens qui menaçaient les civils à Ajdabiya", a déclaré, vendredi matin, Liam Fox, secrétaire à la Défense du gouvernement britannique.
Les insurgés ont promis une violente offensive contre les forces de Kadhafi, après la prière de ce vendredi. Encore faudrait-il qu’ils puissent s’approcher à moins de 10 kilomètres d’Ajdabiya sans se faire pilonner par les tirs ennemis…