
Le géant japonais de l’énergie Tepco, qui n'a pas su reprendre le contrôle de la centrale de Fukushima après le séisme, est une compagnie habituée des scandales : transmissions de faux documents, engagements non tenus... Rappel des faits.
Tokyo Electric Power, plus connue sous le nom de Tepco, tente de redorer son image. Son vice-président, Norio Tsuzumi, s’est ainsi pour la première fois excusé ce mardi auprès des Japonais de "l’anxiété et des nuisances que [cette] entreprise a causé aux habitants des environs des centrales, à ceux de la préfecture de Fukushima et du pays dans son ensemble".
Un timing presque parfait : depuis lundi, les efforts pour contenir le risque nucléaire sur la centrale de Fukushima semblent porter leurs fruits. Les marchés financiers y souscrivent même puisque, 24 heures plus tard, l’action de Tepco gagnait 16% à la Bourse de Tokyo. Pourtant, les Japonais seront-ils prêts à passer l’éponge ?
L’enjeu est de taille pour le numéro 1 japonais de l’électricité. Ces derniers jours, Tepco a été accusé de dissimuler des informations sur l’ampleur de la menace et d’avoir été négligent dans l’entretien de ces centrales. "Les médias ont été très critiques à l’égard de l’entreprise", confirme à FRANCE 24 Evelyne Dourille-Feer, spécialiste du Japon au Cepii. L’ombre d’un destin semblable à celui de BP, engluée médiatiquement et économiquement dans la marée noire au large de la Louisianne, plane sur Tepco.
Tokyo Electric Power symbolise pour les Japonais la dépendance de leur pays à l'égard de l’énergie nucléaire. Le groupe a construit sa première centrale en 1971 et fournit aujourd’hui de l’électricité à plus de 30 millions de Japonais, principalement dans la région de Tokyo. Son empire énergétique en fait le quatrième groupe au monde dans ce secteur (derrière l’Allemand E.ON, le Français EDF et l’Allemand RWE).
Une communication hasardeuse
Mais Tepco traîne surtout une réputation de menteur patenté. En 2002, son PDG, Nobuya Minami, avait dû démissionner à la suite d’une affaire de falsification de rapports. Entre 1977 et 2002, Tokyo Electric Power avait remis à l’État près de 200 documents falsifiés afin de dissimuler une série d’incidents au sein de ses centrales nucléaires.
Un scandale qui a durablement écorné la crédibilité du groupe. "Aujourd’hui, les Japonais sont encore très méfiants à l’égard de ce que dit Tepco", explique Evelyne Dourille-Feer.
Le pouvoir politique pourrait bien profiter de la mauvaise réputation de Tepco pour en faire un bouc émissaire parfait. Le gouvernement a ainsi expliqué ce mardi que le groupe allait devoir indemniser tous les fermiers des environs des centrales endommagées. Le Premier ministre, Naoto Kan, s’est également plaint la semaine dernière, que Tepco avait tardé à l’informer d’un nouveau feu dans l’une de ces centrales.
Ce n'est pas la première fois que les autorités s'en prennent à Tepco. Peu avant le séisme, le groupe avait reconnu que toutes les mesures de sécurité nécessaires en cas d'évènement impérvu n’avaient pas été prises dans ses installations. Au passage, les Japonais ont appris que de faux documents avaient été transmis à l’agence japonaise de sûreté nucléaire le 28 février dernier, soit moins de deux semaines avant le séisme. Une vingtaine d’agents de l'État sont dans les locaux de Tepco depuis une semaine pour surveiller qu'aucune information ne leur échappe cette fois-ci.
Pour l’heure, Tepco se défend en arguant que ses centrales ont bien résisté au séisme et que les dommages sont dus au tsunami. Une double catastrophe qui était difficile à prévoir, fait-elle savoir. Mais le meilleur moyen pour Tepco de s'en sortir sans trop de dommage est de "réussir à maîtriser le problème nucléaire au plus vite", conclut Evelyne Dourille-Feer.
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