Un mouvement de révolte secoue le plus petit royaume du monde arabe. La majorité chiite, qui s'estime victime de discrimination, est entrée en rébellion contre la dynastie sunnite des Al Khalifa, qui dirige le Bahreïn depuis deux siècles. La situation est complexe, car le royaume est au centre d’intérêts géostratégiques.
Il s’appelait Redha Mohammed Hassan, il était pêcheur, il avait 32 ans. Le 18 février dernier, il est allé manifester dans la capitale du Bahreïn, Manama, parce qu’il était chiite, et parce que dans ce minuscule royaume du Golfe persique, les chiites sont laissés pour compte. Il était en tête du cortège, il n’était pas armé. Sans sommation la police a tiré sur la foule, Redha a été touché en pleine tête. Il est mort trois jours plus tard.
Depuis le 14 février dernier, des opposants chiites comme Redha Mohammed Hassan tombent les uns après les autres sous les balles du pouvoir bahreïni, des anonymes qui voulaient donner de la voix car ils faisaient partie d’une majorité silencieuse, bâillonnée. Au Bahreïn, 70% de la population est chiite, mais c’est une dynastie sunnite qui dirige le pays depuis 200 ans. Sous un vernis démocratique, l’autoritarisme royal règne. La majorité chiite est victime de discriminations politiques, économiques, sociales.
Alors nourris par les révolutions tunisienne et égyptienne, les chiites du Bahreïn ont l’espoir de faire changer les choses. Ils réclament la démocratie, mais pour l’heure ils n’ont eu que la répression sanglante du régime.
La famille royale s’accroche au pouvoir, encouragée par le voisin et mentor saoudien : l’Arabie saoudite s’inquiète d’une contagion révolutionnaire sur son propre sol, et craint l’influence grandissante au Bahreïn de son rival chiite, l’Iran.
Riyad a envoyé des troupes au Bahreïn, d’autres manifestants sont morts ; mais chaque nouvelle victime de la répression renforce la détermination de l’opposition. Aujourd’hui, c’est pour tous les Redha Mohammad Hassan, ceux qu’on appelle désormais les "martyrs" de la révolution, que les chiites du Bahreïn se battent.
Il est trop tôt pour dire qui du pouvoir ou de la rue va l’emporter, mais ce n’est sans doute pas par la seule violence que cette révolution pourra être étouffée.