
, envoyée spéciale à Tignes – Alors que débutent les Winter X-Games Europe à Tignes (16 au 18 mars), les athlètes attendent avec impatience la décision du Comité international olympique (CIO), qui pourrait intégrer le ski half-pipe et le slopestyle aux JO 2014 à Sotchi.
Les Winter X-Games Europe débutent ce mercredi à Tignes : c’est la deuxième fois que la prestigieuse compétition de sports extrêmes se déroule sur le sol français. La réussite de l’édition 2010, qui a rassemblé plus de 60 000 spectateurs sur trois jours dans la station des Alpes, permet d’envisager d’égaler bientôt la réputation de sa grande sœur américaine. Et cette année, un sujet occupe toutes les conversations : la probable intégration du ski half-pipe et du slopestyle aux prochains Jeux Olympiques de 2014, à Sotchi. Le CIO rendra sa décision en avril. En attendant, de nombreuses interrogations fusent dans le milieu du freestyle. Si en terme de visibilité et de reconnaissance, les Jeux sont une aubaine, beaucoup craignent de voir l’esprit libre de ce sport disparaître avec les contraintes fédérales liées à l’olympisme.
La peur des contraintes fédérales
Les skieurs half-pipe sont quasiment assurés d’aller en Russie dans trois ans : l’épreuve existe déjà pour le snowboard depuis Nagano en 1998 et le niveau est désormais assez relevé pour intégrer les Jeux. Pour le slopestyle, l’incertitude plane encore. Principal problème : l’absence de circuit officiel digne de ce nom géré par la Fédération internationale de ski (FIS). Depuis le début, les pratiquants de sports extrêmes ont dû se débrouiller seuls. Désormais, les meilleurs s’affrontent lors de compétitions privées : les X-Games, bien sûr, la compétition reine, une grosse machine américaine rodée depuis quinze ans, mais aussi le Dew Tour, pour les skieurs, ou encore le TTR, pour les snowboarders. Des compétitions de très haut niveau qui relèguent le circuit de la Coupe du monde au second plan. Si ces sports deviennent olympiques, ils passeront alors sous l’égide de la FIS. Les sportifs craignent alors de se voir imposer leur programme de compétitions, voire pour certains, d’y perdre leur âme de freestyler.
Les athlètes s’organisent
En France, les meilleurs skieurs half-pipe, Kevin Rolland et Xavier Bertoni, quatre médailles d’or aux X-Games à eux deux, ont créé leur propre structure pour pratiquer leur sport : "On n’est pas vraiment aidés par la Fédération française de ski, donc on a créé Freeski Project, avec quatre athlètes, un entraîneur, un manager, un photographe et un caméraman pour s’entraîner et se déplacer dans les meilleures conditions," explique Bertoni.
Tout est financé par leurs propres sponsors et gains sur le circuit privé. Si la discipline devient olympique, pas question pour eux de changer quoi que ce soit : "J’aimerais que l’on reste indépendants, insiste Rolland. Il n’est pas question de se braquer contre la Fédé, mais il s’agit de trouver un accord pour travailler ensemble, tout en restant détachés." Pour le manager Greg Guenet : "Les JO sont à double tranchant. Chacun va devoir faire des concessions. Bien sûr, pour certains athlètes, cela leur donnera des moyens supplémentaires, mais à quel prix ? Peut-être y perdront-ils leur indépendance." Mathieu Crépel, snowboarder français qui a déjà vécu cette révolution dans son sport, relativise : "Bien sûr, il y a davantage de contraintes à gérer avec les fédérations, mais le milieu est devenu plus professionnel et le niveau plus élevé grâce aux Jeux olympiques."
Un grand besoin de reconnaissance
En ce qui concerne l’épreuve en elle-même, certains redoutent les critères de notation olympiques, réputés plus techniques qu’aux X-Games, où la note prend en compte, outre la difficulté des figures réalisées, "l’impression générale", le style de chaque athlète."On ne va pas tout changer, précise Rolland. Si on va aux Jeux, c’est avec nos règles. On ne deviendra pas des gymnastes, on tient à garder notre style !"
Malgré toute la méfiance qu’inspirent les JO, la plupart des athlètes s’accordent sur un point positif : l’entrée aux Jeux fera du freestyle un sport à part entière. Les athlètes espèrent ainsi être enfin considérés comme des sportifs de haut niveau. En Europe, où le ski alpin est roi, les snowboarders et les freestylers ont longtemps été considérés comme dilettantes. Leur pratique à la marge, sans structure, les a longtemps empêchés d’être pris au sérieux et de se consacrer à plein temps à leur discipline.
Aux Etats-Unis, les riders bénéficient de conditions idéales : les meilleurs ont des pistes privées à disposition et toute une équipe pour s’occuper d’eux. En France, ils doivent parfois partager les infrastructures avec le grand public et gérer seuls leur programme d’entraînement et de compétition. Les JO pourraient permettre d’avoir un peu plus de moyens, mais surtout d’obtenir la reconnaissance que ces sportifs attendent : celle du grand public et celle de leurs pairs, de la grande famille des sports d’hiver.