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À Addis Abeba, l'UA organise une réunion au sommet pour conjurer la guerre civile

Alassane Ouattara est attendu jeudi à Addis Abeba pour être entendu par le panel de cinq chefs d'État mandatés par l'UA pour résoudre la crise post-électorale ivoirienne. Également invité, Laurent Gbagbo a décliné l'offre.

Alors que la Côte d’Ivoire est au bord de la guerre civile, le panel de cinq chefs d'État désignés par l’Union africaine (UA) pour dénouer la crise politique ivoirienne s'est réuni, mercredi, à Addis Abeba, en Éthiopie, pour finaliser ses propositions de solutions avant de les soumettre, jeudi, au Conseil de paix et de sécurité de l’organisation panafricaine. 

Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo ont tous deux été invités à la réunion à laquelle participeront, notamment, Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), Jacob Zuma (Afrique du Sud), Jakaya Kikwete (Tanzanie), Idriss Deby Itno (Tchad) et Blaise Compaoré (Burkina Faso). Mais seul le président ivoirien élu et reconnu par la comunauté internationale a accepté l'invitation. Laurent Gbagbo, lui, sera représenté par le chef de fil de son parti, Pascal Affi N’Guessan, et par son ministre des Affaires étrangères, Alcide Djédjé.

Si celui-ci justifie son absence par la "dégradation de la situation sécuritaire interne en Côte d’Ivoire", elle tiendrait plutôt, selon certains observateurs, au risque d'assister à l'adoubement de son rival  par l’UA.
"Jusqu’à présent, c’était plutôt la communauté internationale, l’ONU, les États-Unis, la France et la Cédéao [Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, NDLR] qui reconnaissaient Ouattara. Mais il y avait une sorte de flottement au sein de l’Union Africaine. C’est pour cela que cette réunion est importante et qu'Alassane Ouattara souhaite y aller", explique Christophe Boisbouvier, journaliste à RFI et spécialiste de l’Afrique.
Dissensions
La "presse bleue" (pro-Gbagbo) ivoirienne dénonce, pour sa part, un nouveau "piège" orchestré par l'UA, l'Onuci et la France pour attirer le président sortant hors du pays afin d'accélérer sa chute.
Reste que, à l'UA, la situation est loin d'être aussi simple. Au sein du panel de chefs d'État mandaté par l'organisation, deux hommes - qui interprètent de façon diamétralement opposées la situation en Côte d’Ivoire - s'opposent.
Il y a d'un côté Blaise Compaoré, le président burkinabè, honni par les partisans de Laurent Gbagbo qui le considèrent comme le défenseur principal d'une intervention militaire ouest-africaine - dans le cadre de la Cédéao - pour faire respecter la voix des urnes en Côte d'Ivoire. Il y a de l'autre Jacob Zuma, le président sud-africain, qui refuse toute solution "impérialiste" dans le pays. Or, aucun des deux ne semble prêt à lâcher du lest...
En outre, le nouveau président en exercice de l'UA, l'Équato-Guinéen Teodoro Obiang Nguema, compterait parmi les "sept alliés" africains de Laurent Gbagbo, si l'on en croit Alcide Djédjé, qui a donné un entretien au quotidien d’État ivoirien "Fraternité matin", ce mercredi.
Intensification des violences

Initialement chargé d'élaborer des "solutions contraignantes" à la crise ivoirienne d'ici à la fin du mois de février, le panel de l’UA a vu son mandat prorogé d’un mois. Mais lors de sa dernière réunion organisée le 4 mars à Nouakchott, en Mauritanie, aucune solution concrète de sortie de crise n’a été trouvée. Le groupe s'était alors contenté d'exiger "la cessation de toute forme de violences", "l’arrêt des tueries et des campagnes haineuses" et la "levée du blocus de l’hôtel du Golf où est reclus ADO".

Un message qui n'a visiblement pas été entendu, au vu de l'intensification des violences à Abidjan et dans l’ouest du pays. Mardi, trois hommes et une jeune femme de 18 ans ont été tués par balle et une vingtaine d’autres blessés dans la capitale économique ivoirienne, lors d’une opération des forces de l’ordre.
Beaucoup d'Ivoiriens restent donc sceptiques à l'évocation des solutions susceptibles d'émerger de cette énième réunion. "La réunion prévue à Addis Abeba, où l’Union africaine doit donner des directives pour la résolution de la crise, semble peu porteuse d’espoir. Ce qui menace Abidjan et le reste du pays est un dérapage bien plus grave" , résume ainsi, fataliste, Jean-Philippe Rémy, l'envoyé spécial du quotidien "Le Monde" en Côte d’Ivoire.