La Roma, balayée par le Shakhtar Donetsk (3-0), a rendu les armes en 8e de finale de la Ligue des champions. Peu connu du grand public, le champion d’Ukraine, avec son armada brésilienne, n'est pourtant pas un nouveau venu sur la scène européenne.
En Ukraine, l’AS Roma de Philippe Mexès a espéré une petite vingtaine de minutes avant de rendre les armes. Face à la puissance de feu du Shakhtar Donetsk, la Louve s’est vite retrouvée sur le flanc en encaissant un but dès la 17e minute avant de sombrer (3-0).
Le plus surprenant, au final, c’est que l’issue du duel ne faisait presque aucun doute. À l’inverse de la Roma, poussive et prévisible, le Shakhtar Donetsk a presque réinventé le football de l’est.
À l’évidence, les ‘Girnyky’ – "mineurs" en ukrainien, NDLR – de Donetsk sont les rois du six coup. Le principe de la roulette ukraino-brésilienne est d’une extrême simplicité : dans le barillet de l’entraîneur Mircea Lucescu, six Brésiliens se terrent, affûtés comme des balles de 22 Magnum.
Ici, pas de place au hasard. Chaque coup de feu fait mouche. En l’espace d’une double confrontation meurtrière, la Roma en a fait les frais. À six reprises, l'entraîneur Lucescu a appuyé sur la gâchette. À chaque détonation, le gibier romain a marqué l’impact.
Une heure et demi plus tard, le bilan du jeu de massacre est lourd : six buts encaissés en seulement deux rencontres (2-3, 3-0) et une élimination précoce en huitième de finale de la Ligue des champions, dernier objectif de la saison pour les Romains.
Main basse sur le Brasileirão
Depuis une dizaine d’années, le club ukrainien a travaillé dans l’ombre à l’élaboration d’un réseau de recrutement sud-américain comparable à celui des meilleurs clubs européens.
Ses artilleurs, Donetsk les enrôle un peu à la manière du FC Porto, en piochant directement dans les deux divisions supérieures du championnat brésilien.
En une décennie, la cellule de recrutement du club est devenue l’une des plus efficaces d’Europe. Cette saison, l’effectif de Donetsk compte six Brésiliens. À l’exception d’Eduardo, arraché à Arsenal à l’été 2010, cinq d’entre eux n’avaient connu que les joutes sud-américaines avant leur arrivée sur le continent européen.
Leur acclimatation n’a, en tout cas, pas posé de souci. Cette saison, la colonie brésilienne a inscrit 14 des 18 buts du club en Ligue des champions et déjà plus d’une trentaine en championnat.
Au plan national, la stratégie de Donetsk a rapidement porté ses fruits. Habitué de la deuxième place, le club est parvenu à supplanter, en 2002, son rival historique, le Dynamo Kiev, porte-étendard traditionnel du football ukrainien. Depuis, le Shakhtar a décroché quatre autres titres, en 2005, 2006, 2008 et 2010, et s’accroche solidement à la tête sur l’exercice en cours (1er avec 12 points d’avance après 20 journées).
Un déficit médiatique à combler
Depuis deux ans, le club convainc également au niveau continental. En 2009, au terme d’une campagne qui l’a vu notamment se défaire du Dynamo Kiev en demi-finale, Donetsk a décroché le premier titre européen de son histoire en remportant la Coupe de l’UEFA.
Cette saison, le leader du championnat d’Ukraine a remporté cinq de ses six matchs du groupe H en Ligue des champions. Un parcours presque sans faute qui l’a vu finir en tête de sa poule, devant Arsenal.
Pourtant, c’est chaque fois dans la peau de l’outsider de luxe que le club ukrainien est présenté par les médias. Face à une Roma pourtant convalescente, peu d’observateurs voyaient les hommes de Lucescu susceptibles de créer la surprise. Cent quatre-vingts minutes plus tard, il n’est même plus question d’exploit. Outrageusement dominateur dans le jeu, incisif et percutant, Donetsk a simplement fait respecter la logique sportive.
Cette année, pour la première fois de son histoire, le Shakhtar Donetsk a émergé de la phase de poules et a même atteint les quarts de finale de la plus prestigieuse des compétitions de club. C’est pourtant sur la pointe des crampons qu’il intègre le gotha européen.
L’indifférence des médias à l’égard du nouveau porte-flingue du football est-européen ne devrait tout de même pas s’éterniser. Le jeu du Shakhtar Donetsk est désormais du même calibre que celui des grosses cylindrées continentales. Et surtout, le développement du club comporte toutes les caractéristiques indispensables à sa durabilité.