
Là où il avait échoué avec Hermès, le numéro 1 mondial du luxe, LVMH, a réussi avec le joaillier italien Bulgari. L’une des dernières entreprises familiales, convoitée depuis des années, est entrée dans le giron de Bernard Arnault.
Et à la fin, il rafle la mise. Le géant français du luxe LVMH n’était pas le seul à s’intéresser de près à Bulgari. Mais jusqu’à présent, le joaillier italien avait résisté à toutes les sirènes. Une détermination dont Bernard Arnault, le PDG de LVMH et numéro 1 mondial du luxe, est finalement venu à bout . Son groupe a acquis, ce lundi, 51% de Bulgari lors d’une transaction estimée à 1,84 milliard d’euros. Et pour faire le deuil de son indépendance, la famille Bulgari a reçu 16,5 millions d’actions LVMH, soit 3,5% du groupe.
Le groupe français espère grâce à cette acquisition doubler ses revenus dans un domaine où il n’est pas encore numéro 1. Bulgari doit lui permettre d’atteindre un chiffre d’affaires de 1,8 milliard d’euros en 2011 dans la joaillerie contre 985 millions d’euros en 2010.
Pour Paulo et Nicola Bulgari, respectivement président et vice-présidente du groupe familial italien, les avantages sont moins évidents. Ils ont mis en avant "les garanties pour le futur" apporté par LVMH pour justifier l’opération. Mais c’est surtout un retournement de situation inattendue.
Une ascension qui a vite suscité les convoitises
La maison Bulgari s’est toujours targuée d’être l’une des dernières entreprises familiales d’importance dans le monde du luxe. En 2007, son PDG, Francesco Trapani expliquait au quotidien La Tribune que son "entreprise n'[était] pas à vendre. Elle ne l'a jamais été et nous ne prévoyons pas de vendre".
Fondé en 1884 à Rome, Bulgari a réussi à devenir la troisième marque de joaillerie dans le monde derrière Cartier (qui appartient au numéro 2 mondial du luxe, Richemont) et Tiffany. Une ascension sur le podium qui est en fait relativement récente. Dans les années 1980, Bulgari ne comptait que cinq magasins et 80 employés. Plus de 30 ans plus tard, Bulgari peut se targuer d’avoir 3 300 salariés et ses produits sont vendus dans plus de 250 boutiques. Introduit en bourse en 1995, le titre de la maison romaine a gagné près de 900 % de sa valeur.
Dans ces conditions, il est naturel que le joaillier ait suscité les convoitises de tous les poids lourds du secteur. D’autant plus qu’en 2006, Bulgari a pour la première fois dépassé le milliard de chiffre d’affaires. Ils ont tous déclaré leur flamme au groupe italien. PPR (Pinault, Printemps, La Redoute), le concurrent français de LVMH, aurait cherché à racheter Bulgari en 2006. Un an plus tard, c'était au tour de Swatch de se déclarer intéressé. Bien que Richemont ne se soit jamais prononcé sur le cas Bulgari, le groupe suisse, propriétaire de Cartier, pouvait difficilement rester à l’écart de tractations portant sur le sort de son concurrent italien.
Une expansion interrompue par 2009
Mais jusqu’alors Bulgari avait toujours préféré continuer à grandir seul. Sous l’impulsion de Francesco Trapani, son PDG depuis 1984, la société italienne a entrepris, avec succès, de se diversifier dans les parfums, la maroquinerie et même l’hôtellerie de luxe (en partenariat avec le groupe Marriott).
Jusqu’à la crise financière de 2008, Bulgari ne semblait donc pas avoir connu de faux-pas. Mais en 2009, la société a accusé une perte nette – sa première depuis 1995 - de 1,38 million d'euros. Une mauvaise année que Bulgari a mise sur le compte d’une vaste expansion de son réseau de distribution débutée avant l'éclatement de la crise.
C’est peut-être ce revers de fortune qui a décidé LVMH à passer à l’acte. Peut-être aussi l’envie de prouver à une autre entreprise familiale convoitée, Hermès, que les sociétés qui semblent attachées à leur indépendance peuvent également finir par se laisser séduire.