Lundi, entre 10 000 et 20 000 gardes communaux réclamant une hausse salariale ont forcé des cordons de police à Alger pour marcher vers l'Assemblée nationale. Pour rappel, ce sont les gardes qui suppléent la gendarmerie dans les zones rurales.
AFP - Des milliers de gardes communaux, chargés de suppléer la gendarmerie algérienne dans les villages, ont bravé lundi l'interdiction de manifester à Alger en forçant plusieurs cordons de police pour marcher jusqu'à l'Assemblée nationale en faveur d'une hausse de salaire.
Environ 20.000 gardes communaux, selon les organisateurs, 10.000 selon des des journalistes, venus de 35 départements sur 48, s'étaient d'abord rassemblés sans incidents place des Martyrs, au centre d'Alger, où les forces de police étaient faiblement déployées.
Les manifestants, dont la plupart portaient leurs uniformes de combat, scandaient notamment Abdelaziz "Bouteflika (le président algérien) est la solution".
"Les terroristes repentis ont plus de droits que nous, On veut que le président Bouteflika annonce rapidement des mesures concrètes en notre faveur", a déclaré à l'AFP un garde communal.
La politique de réconciliation accordant le pardon aux islamistes dont M. Bouteflika a pris l'initiative dès son accession au pouvoir en 1999 pour mettre fin aux violences a permis la reddition de milliers d'entre eux et la libération de plus de 2.000 autres, condamnés pour terrorisme.
La colère des manifestants a pris de l'ampleur après qu'une délégation envoyée pour tenter de rencontrer le Premier ministre Ahmed Ouyahia soit revenue bredouille au lieu du rassemblement.
Les manifestants ont forcé un premier cordon de police et se sont dirigés vers le siège de l'Assemblée populaire nationale, à quelque 500 mètres de la place des Martyrs. Deux autres cordons de policiers ont cédé sous leur pression.
Les manifestants ont réussi a atteindre le siège de l'Assemblée où ils ont été encerclés par des renforts de police dépêchés à la hâte. La circulation automobile a été interrompue aux alentours.
Cette manifestation à Alger intervient après cinq marches avortées de l'opposition depuis le 22 janvier, toutes bloquées par la police.
Samedi, trois marches auxquelles avait appelé une faction de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) ont tourné court, les manifestants ayant été bloqués par la police et des militants agressifs favorables au pouvoir.
La CNCD, créée le 21 janvier dans la foulée des émeutes de janvier qui ont fait cinq morts et plus de 800 blessés, s'est scindée en février entre partisans de marches dans la rue et la société civile et des syndicats autonomes plus favorables à un travail de fond.
Les manifestations sont interdites à Alger depuis juin 2001 quand une gigantesque marche en faveur de la Kabylie avait tourné à l'emeute faisant huit morts.
Les gardes communaux réclament une augmentation salariale, une réduction du nombre des heures travaillées et des indemnités de service à l'instar de tous les autres corps de sécurité, a dit à l'AFP, Cherif Abdelkader, garde communal à Chlef, à 200 km à l'ouest d'Alger.
Ils exigent que cette hausse s'applique rétroactivement à partir de 1994, date de la création de ce corps, qui compte actuellement quelque 93.000 hommes, selon M. Abdelkader.
Une délégation de gardes a été reçue par le président de l'Assemblée nationale Abdelaziz Ziari. Sur place, les manifestaient brandissaient des portraits de M. Bouteflika et scandaient: "députés où sont nos droits?".
Selon des manifestants, quelque 4.400 gardes communaux, qui participent à la lutte contre les islamistes dans les communes, ont été tués depuis 1994 dans des violences impliquant des groupes armés.
Depuis les émeutes de janvier, le gouvernement a annoncé, outre la levée de l'état d'urgence, une série de mesures pour tenter de reconquérir l'opinion publique et se mettre à l'abri d'une contestation similaire à ce qui s'est passé en Egypte ou en Tunisie.