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La communauté internationale face au cas libyen

La communauté internationale a adopté une série de sanctions contre les responsables libyens pour tenter de mettre un terme aux violences perpétrées par le régime. Mais l’opportunité d'une intervention militaire ne fait pas l’unanimité.

Les sanctions de la communauté internationale contre le régime de Mouammar Kadhafi se multiplient. Objectif : contraindre les responsables libyens à cesser la répression. Dans le même temps, des navires de guerre étrangers se sont positionnés au large du pays.

  • Sanctions économiques 

La Suisse est le premier État à avoir décidé, le 24 février, de bloquer, avec effet immédiat, tous les éventuels avoirs que le dirigeant libyen et son entourage pourraient détenir dans le pays. Le 28 février, les États-Unis ont indiqué avoir bloqué au moins "30 millions de dollars d'actifs libyens". L'Union européenne a quant à elle décidé un gel des avoirs et des visas à l'encontre des auteurs de la répression en Libye, ainsi qu'un embargo sur les armes et le matériel susceptibles de servir à réprimer les manifestations. Elle étudie désormais la possibilité de geler les avoirs de sociétés libyennes liées au régime.

La communauté internationale pourrait également décider d'interrompre ses importations d'hydrocarbures en provenance de Libye. Pour la Maison Blanche, le monde peut d’ailleurs se passer du pétrole libyen.

Mais, à en croire l'économiste Achen Lachy, chercheur au Centre Carnegie pour le Moye

Série de sanctions européennes contre la Libye

L’Union européenne a adopté, le 3 mars, une série de sanctions contre la Libye. Elle a notamment décidé de mettre en place un embargo sur les armes et une interdiction d'exporter du matériel susceptible d'être utilisé à des fins de répression interne. Le texte prévoit en outre un gel des avoir financiers du colonel Kadhafi ainsi que d’une vingtaine de ses proches, dont :

- Le colonel Massoud Abdulhafiz, commandant des Forces armées

- Le colonel Abdullah Al-Senussi, directeur du renseignement militaire

- Mohammed Abdussalam, chef de la lutte contre le terrorisme

- Abu Bakr Yunis Jabir, ministre de la Défense

- Abu Zayd Dorda, directeur de l'Organisation de la sécurité extérieure

Cliquez ici pour consulter la résolution.

n-Orient, ce genre de mesures a peu de chances de faire plier le régime de Tripoli. "Si l'on cesse les importations de pétrole libyen, ce sont les pays importateurs - l'Italie, et dans une moindre mesure, la France - qui vont en subir les conséquences. Le marché international est inquiet car Mouammar Kadhafi peut lui-même décider de couper l'approvisionnement, et non l'inverse !"

"Je ne vois pas comment les sanctions économiques classiques, telles que le gel des avoirs ou la mise en place d'un embargo, pourraient, dans l'immédiat, affaiblir le régime", ajoute-t-il.

Des sanctions qui pourraient s’avérer d’autant plus inutiles que la quasi-totalité des champs pétroliers situés à l'est du terminal de Ras Lanouf sont aux mains des opposants au régime. Lesquels se sont empressés d’assurer que tous les contrats avec des entreprises étrangères "qui sont légaux et profitent au peuple libyen" seront maintenus.

  • Sanctions politiques  

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Luis Moreno-Ocampo, a annoncé ce jeudi l'ouverture d'une enquête contre Mouammar Kadhafi et plusieurs hauts responsables libyens, suspectés de "crimes contre l'humanité". Le 26 février, le Conseil de sécurité des Nations unies avait saisi la CPI sur la situation dans le pays.

L'Assemblée générale des Nations unies a également suspendu le 1er mars la Libye du Conseil des droits de l'Homme, par un vote à l'unanimité.

Si ces mesures peuvent marquer une volonté internationale forte de poursuivre Mouammar Kadhafi et de le condamner pour ses actes, on voit mal comment elles pourront faire cesser les combats.

  • Intervention militaire  

En 2005, les Nations unies ont adopté le principe de "la responsabilité de protéger". Ce concept affirme qu'un État a le devoir de protéger sa population civile contre les génocides, les crimes de guerres, le nettoyage ethnique ou les crimes contre l'humanité. Lorsqu'un pays manque à ce devoir, la communauté internationale se substitue alors à l'État. Cette responsabilité peut donner lieu à une intervention.

Dès le 21 février, la Haut commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay, a affirmé que les attaques "systématiques et généralisées" contre la population civile qui ont lieu en Libye "peuvent constituer des crimes contre l'humanité".

Rien n’indique toutefois que l’option d’une intervention militaire de l’ONU soit avalisée par l’ensemble des membres permanents du Conseil de sécurité. La Russie pourrait y opposer son veto. Le président russe, Dmitri Medvedev, a ainsi déclaré que les révoltes qui agitent le monde arabe constituaient un terreau propice à l’accession de "fanatiques" au pouvoir.

Les puissances occidentales sont elles aussi réticentes. Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a notamment affirmé qu'une intervention de ce type en Libye pouvait être "extrêmement contre-productive auprès de l'opinion arabe"."Ce qui paralyse les chancelleries, c’est que lorsqu'on lance une intervention, on sait où ça commence mais on ne sait pas où cela finit", a indiqué sur FRANCE 24 Antoine Vitkine, réalisateur du documentaire "Kadhafi, notre meilleur ennemi". "Intervenir en Libye, cela reviendrait à avoir un pays difficile à gérer sur les bras. L'Occident a déjà l'expérience de l'Afghanistan..."

Si elle parvenait à un consensus, l'ONU, qui ne dispose pas de force armée, devrait alors mobiliser des troupes. "Il faudrait qu'elle s'adresse à l'Otan, à des forces africaines... Pour autant que les uns et les autres soient prêts à intervenir militairement, ce qui n'est pas garanti", a estimé l'ancien ministre français de la Défense, Paul Quilès, sur FRANCE 24. Le secrétaire général de l'Otan, Anders Fogh Rasmussen, a fait savoir à plusieurs reprises que l'organisation n'avait pas l'intention d'intervenir. "Nous nous préparons de façon réfléchie à toute éventualité", a-t-il toutefois indiqué ce jeudi.

  • Mise en place d'une zone d'exclusion aérienne

Pour de nombreux observateurs, cette option serait l'une des plus efficaces à court terme. La mise en place d'une zone d'interdiction de survol aérien au-dessus de la Libye empêcherait avions et hélicoptères, que le régime aurait utilisé pour bombarder des civils, de survoler le territoire.

Pour que cette mesure soit effective, elle doit être adoptée par une résolution des Nations unies. Un mandat doit ensuite être confié à un État ou à une organisation pour la faire respecter. Selon le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, la France et l'Italie sont les pays les mieux placés pour imposer une zone d'exclusion aérienne.

Pour l'instant, aucune demande officielle de débat sur ce sujet au Conseil de sécurité de l'ONU n'a été présentée.

  • Intervention ciblée des services de renseignements

"Les services secrets, américains ou autres, ont peut-être la capacité de mener des opérations dont on ne parlera pas, mais qui seront aussi efficaces qu'un bombardement", a lancé Paul Quilès sur FRANCE 24. Autrement dit, les services de renseignements étrangers peuvent-ils assassiner Mouammar Kadhafi ? Charles G. Cogan, ancien membre des services secrets américains, en doute : "Pour n'importe quel service de renseignements, il est très difficile de renverser un dictateur à l'étranger. Ils n'ont pas pu assassiner Saddam Hussein en Irak !"

  • Dialogue avec Kadhafi

Plutôt que de réfléchir à la meilleure façon de le tuer, les services secrets peuvent-ils engager un dialogue avec Mouammar Kadhafi et le convaincre d'accepter de partir en exil à l'étranger, à condition qu'il ne soit pas jugé ? "C'est une option terrible, mais qui relève du réalisme politique et permettrait de faire cesser les violences, avance Antoine Vitkine. Mouammar Kadhafi sait que face à la justice internationale, il est perdu. Il sait qu'en Libye, il joue sa peau. Le leader libyen est hanté par les images de Saddam Hussein au moment de son arrestation, barbu, humilié. Peut-être qu'il accepterait cette sorte d'échappatoire."

Cette semaine, le président Vénézuélien Hugo Chavez a d'ailleurs proposé l'envoi à Tripoli d'une mission de médiation internationale formée de représentants de pays d'Amérique latine, d'Europe et du Moyen-Orient, afin d'essayer de négocier une issue entre le pouvoir libyen et les forces rebelles.