"Kadhafi, assassin !", "Nous sommes tous Libyens"... Une centaine de personnes se sont rassemblées devant l'ambassade de Libye à Paris, mardi après-midi. Inquiets pour leurs proches, les Libyens de France appellent à faire cesser les violences.
Abderahim, 32 ans, n'est en France que depuis quelques mois. Guide touristique dans son pays, il est venu suivre des cours de français à Montpellier, avant d'entamer des études d'histoire gréco-romaine. Son père et ses sœurs sont restés à Benghazi, une ville du nord de la Libye où des dizaines de personnes sont mortes depuis le début du mouvement de contestation, selon plusieurs organisations. "Je suis très inquiet, explique Abderahim. Cela fait quatre jours qu'Internet et le téléphone sont coupés. Je n'ai pas de nouvelles de ma famille."
Beshah, un archéologue de 44 ans, a lui quitté la ville côtière d'Al-Bayda il y deux ans. Il n'a que "de temps en temps" des nouvelles de ses proches. "La situation est catastrophique, assure-t-il. C'est la guerre. Les Libyens se sont fait tuer par des mercenaires africains. Aujourd’hui, ce n'est même plus pour la liberté que l'on manifeste, mais pour que notre peuple puisse rester en vie."
"Avant-hier avec les Tunisiens, hier avec les Égyptiens, aujourd'hui avec les Libyens"
Avenue Suffren à Paris, à quelques dizaines de mètres de l'ambassade de Libye, une centaine de personne se sont rassemblées ce mardi après-midi. Hommes, femmes, enfants... "Kadhafi, assassin !" crient-ils en chœur. Des manifestants brandissent des photos des victimes de la violente répression des manifestations, qui circulent sur Internet.
Les Libyens ne seraient que quelques centaines en France, dont de nombreux étudiants universitaires. Médecine, ingénierie, recherche... Certains sont venus de Lyon ou Strasbourg pour alerter sur la situation de leur pays. Ahmed, lunettes de soleil et bonnet sur la tête, suit depuis un an et demi une formation de pilote de ligne à Toulouse. "J'ai une bourse de mon gouvernement pour mes études, mais je ne suis pas d'accord avec ce régime", explique-t-il. Il préfère ne pas être pris en photo : pas pour lui, mais pour sa famille et son jeune frère, restés à Tripoli. Lui aussi évoque les "mercenaires africains" qui "entrent dans les maisons, s'attaquent aux filles, tirent sur la population."
Tunisiens, Égyptiens, Algériens ou Syriens sont aussi venus exprimer leur solidarité. "Nous étions avant-hier avec le peuple tunisien, hier avec le peuple égyptien, aujourd'hui avec les Libyens et demain nous serons certainement avec un autre peuple du monde arabe, affirme Boushaki, Franco-tunisien. Même si la Libye est dans un isolement total, les rares informations qui nous parviennent nous permettent de suivre en direct les évènements sanglants qui s'y déroulent. Mouammar Kadhafi gouverne depuis près de 42 ans, c'est un record mondial. Il faut qu'il parte !"
"La Libye a du pétrole et du gaz"
Émue, Dhekra, une Tunisienne, assure elle aussi vouloir alerter l'opinion. Très active depuis le début de la révolution en Tunisie, elle a créé sur Facebook une vingtaine de pages appelant au départ du président déchu Zine el-Abidine Ben Ali, à la démission de la ministre des Affaires étrangères française Michèle Alliot-Marie, à celle de l'ambassadeur de France à Tunis Boris Boillon... "Le mouvement libyen est différent des révolutions tunisienne ou égyptienne, dit-elle. Là, Saïf al-Islam [l'un des fils de Mouammar Kadhafi, ndlr] a clairement dit que si la contestation ne s'arrêtait pas, il tuerait tout le monde, jusqu'au dernier."
Tous espèrent désormais que Mouammar Kadhafi quittera rapidement le pouvoir. Beshah rêve d'élections, de démocratie. D'un pays où la majorité de la population ne vivrait plus dans la misère. "Ce qui nous manque le plus en Libye ? La justice ! affirme Abderahim. Ces dernières années, Mouammar Kadhafi a modifié sa politique extérieure, mais jamais sa politique intérieure. Nous sommes un pays riche mais le tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté ; j'ai 32 ans et je ne peux pas m'acheter une maison."
Ahmed, lui, est moins optimiste. "J'espère que la communauté internationale fera cesser ces crimes ; ce ne sont pas les premiers dont Kadhafi est responsable. Mais la Libye a du pétrole et du gaz, alors j'en doute..."