logo

La "curieuse" sortie de Jean-Claude Trichet sur le gel des salaires

La bataille des salaires est-elle lancée ? Le ministre français du Budget a répondu au président de la BCE qui estimait dimanche qu'augmenter les salaires en Europe serait une "bêtise". Pour François Baroin, cette déclaration est "curieuse"...

Qu’est-ce que Jean-Claude Trichet a dit exactement ? Le président de la Banque centrale européenne (BCE), intervenant sur Europe 1, a qualifié toute augmentation des salaires de "dernière des bêtises à faire" dans le contexte actuel. Les pays "qui ont su maîtriser leurs coûts connaissent un grand succès en matière de réduction du chômage", a-t-il ajouté.

Une déclaration qui "n’est pas étonnante" pour un directeur de la BCE, selon Éric Heyer, directeur adjoint de l’institut français d’économie OFCE-Science Po. En effet, la seule mission de la Banque centrale européenne est la lutte contre l’inflation. Or, toute augmentation de salaire risque d’engendrer une hausse des prix.

Actuellement, le danger est d’autant plus grand qu’on assiste à une flambée des prix énergétiques. Si cette augmentation se généralise à tous les produits, les salariés vont vouloir être mieux payés. Un surcoût pour les entreprises qui seront tentées de le répercuter sur les prix. Il y aurait alors une "spirale inflationniste comme lors des deux chocs pétroliers, en 1974 et en 1979", résume Éric Heyer.

Le lien entre gel des salaires et baisse du chômage. Reste que la deuxième partie de la déclaration de Jean-Claude Trichet sur le lien entre gel des salaires et baisse du chômage est plus discutable. À tel point que, ce lundi, le ministre français du Budget, François Baroin, l’a jugée "curieuse".

Le patron de la BCE s’appuie sur l’exemple allemand. Berlin a mis ses salariés à la diète ces dernières années afin d’améliorer la compétitivité de ses entreprises. Résultat : aujourd’hui, la croissance allemande dépasse la barre de 3 % et le chômage recule. Jean-Claude Trichet veut donc inciter les autres pays européens à faire de même.

Mais si tous les États européens se mettaient à l’heure économique allemande, le résultat pourrait être contre-productif, prévient Éric Heyer. "L’Allemagne a fait le pari d’une croissance par les exportations en asséchant son marché intérieur", analyse l’économiste. Si tout le monde va dans ce sens, la consommation européenne va chuter… et les produits exportés ne trouveront plus d’acheteurs. "La stratégie choisie par l’Allemagne ne peut fonctionner que si aucun autre pays ne fait pareil", tranche Éric Heyer.

Faut-il alors plutôt augmenter les salaires pour lutter contre le chômage ? Le scénario est séduisant : d’un côté les salariés gagnent davantage et consomment plus, de l’autre les entreprises remplissent leur carnet de commande et embauchent de nouveau. Reste qu’il y a un hic : la productivité. Lorsqu’une entreprise augmente les salaires, elle va gagner moins par rapport à ce qu’elle produit. Une solution inenvisageable pour les sociétés qui peinaient déjà auparavant… Heureusement, "en France, les entreprises sont parmi les plus productives en Europe, donc des augmentations de salaires seraient justifiées", conclut Éric Heyer.