Galvanisés par les révoltes populaires égyptienne et tunisienne, les opposants au régime iranien redescendent dans la rue. Le Mouvement vert, né au lendemain de la présidentielle contestée de 2009, prouve ainsi qu'il n'a pas succombé à la répression.
L’Iran n’avait plus connu un tel mouvement de protestation depuis les gigantesques manifestations nées au lendemain de l’élection présidentielle iranienne du 12 juin 2009. Surfant sur la vague des révolutions tunisienne et égyptienne, des milliers de manifestants sont à nouveau descendus dans les rues de Téhéran lundi et mardi, à l'appel de l’opposition iranienne qui souhaite se rappeler au bon souvenir du régime et de la communauté internationale. "Au bout d’un an et demi de petites actions, il était temps de montrer au monde que le Mouvement vert n’est pas mort !", se réjouit Yashar Mohtasham, membre du comité indépendant contre la répression des citoyens iraniens, basé en France.
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À l'origine de la contestation : deux leaders de partis d’opposition, Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, ex-candidats réformateurs à l’élection présidentielle de 2009, qui ont demandé l’autorisation d’organiser un défilé officiellement destiné à soutenir Égyptiens et Tunisiens. Après que l’autorisation leur en ait été - sans surprise - refusée, leur appel a été relayé sur les réseaux sociaux, notamment par les étudiants. Résultat : des milliers de personnes ont bravé l’interdiction de se rassembler dans plusieurs villes d’Iran.
La journée de lundi a-t-elle marqué une renaissance du "Mouvement vert"? Violemment réprimé durant l’été 2009 - une pluie de condamnations à mort et de lourdes peines de prison avaient été prononcées contre plusieurs de ses membres -, celui-ci ne s’était plus fait entendre depuis lors. Au point d’être oublié par la communauté internationale. "En réalité, le Mouvement vert ne s’est jamais tu, explique Yashar Mohtasham. Mais il a payé un tribut si lourd en 2009 qu’il s’est exprimé différemment ces derniers mois."
Poils à gratter du régime
Des actions plus discrètes ont été menées, beaucoup moins spectaculaires que les énormes manifestations populaires de l’été 2009. Leur écho n’a pas franchi les frontières iraniennes, mais elles ont toutefois réussi à jouer les trouble-fête dans le pays. Selon Yashar Mohtasham, les opposants ont par exemple pris l’habitude d’inscrire des messages hostiles au régime iranien sur les billets de banque, si bien qu'au bout d’un certain temps, le nombre de coupures "subversives" a été si important que le numéro un de la banque nationale iranienne a été obligé de les remplacer par des neuves.
Monde arabe : les raisons de la révolte
Cyberattaques et boycottages de festivités officielles ont également été monnaie courante ces derniers mois. Selon le spécialiste de l'Iran Thierry Coville, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), si le mouvement est tombé dans l'oubli sur la scène internationale, il a en revanche conservé énormément d’influence dans le pays. Au point que les autorités n’ont pas osé emprisonner - préférant les assigner à résidence - les deux figures d’opposition Mehdi Karoubi et Mir Hossein Moussavi, de peur d’engendrer une contestation de grande ampleur.
Depuis un an, le Mouvement vert, essentiellement composé de jeunes urbains diplômés, a par ailleurs cherché à étendre son influence dans le monde rural et ouvrier. "Les grandes figures du mouvement ont essayé de rencontrer différents acteurs de la société iranienne, des leaders religieux et les classes ouvrières, affirme le chercheur. Savoir s’ils ont réussi à les convaincre est difficile. Mais je suis persuadé que le mouvement a gagné en influence."
"Un énorme mécontentement"
La répression de juin 2009 a, selon lui, joué un rôle crucial. "Elle a été efficace en surface, poursuit-il. Mais en réalité, je suis persuadé qu’elle a contribué à gonfler les rangs de l’opposition. Je suis sûr que la majorité silencieuse soutient [l'ancien Premier ministre] Moussavi, qui est un personnage politique très important en Iran."
Selon l’opposition, plusieurs centaines de personnes auraient été arrêtées au cours des manifestations, lundi. La France a "condamné avec fermeté les violences commises à l'égard des manifestants" et "a demandé la libération des personnes arrêtées". La secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a, quant à elle, apporté son soutien "à l'opposition et aux personnes courageuses qui sont descendues dans la rue à travers l'Iran".
Le mouvement s’est poursuivi mardi matin dans plusieurs universités iraniennes. "Lundi soir vers 23 heures, les paramilitaires à la solde du régime ont fait irruption dans les dortoirs de l’université et de l’École polytechnique de Téhéran, rapporte Yashar Mohtasham. C’est un acte grave. Des appels à manifester ont donc été lancés dans toutes les universités du pays sur Facebook."
"Je sens que le mécontentement est énorme, bien plus grand aujourd'hui qu’en juin 2009, conclut Thierry Coville. Si le régime continue de ne répondre que par la répression, je crains que le mouvement ne se durcisse considérablement."