À la tête de l'État depuis près de 30 ans, Hosni Moubarak s'est imposé comme un allié des Occidentaux tout en verrouillant la vie politique égyptienne. Des manifestants exigent désormais son départ.
Ils sont plus de 50 millions d'Égyptiens - soit près des deux tiers de la population - à avoir moins de 30 ans. Pour eux, le pouvoir n'a qu'un seul visage : celui d'Hosni Moubarak, surnommé "le raïs". Celui-ci ne se destinait pourtant pas à cette carrière politique : c’est presque par hasard qu’il a accédé, il y a 30 ans, à la plus haute fonction de l’État. À 82 ans, son état de santé fait l’objet d’incessantes rumeurs. Au début du mois de mars 2010, il a notamment subi une ablation de la vésicule biliaire.
Ses premiers pas en politique
Né le 4 mai 1928 dans une famille bourgeoise du delta du Nil, Mohammed Hosni Moubarak fait ses classes dans l’armée de l’air, jusqu'à sa nomination, en 1972, au poste de commandant de l’armée de l’air et ministre des Affaires militaires. Après la guerre du Kippour de 1973, il est rapidement promu général et le président de l’époque, Anouar el-Sadate, le nomme vice-président en 1975.
Hosni Moubarak est alors décrit comme un homme discipliné, travailleur, sans ambition ni charisme. Mais en six ans, l’homme "effacé" écoute, regarde, apprend. Quand Sadate meurt en 1981, assassiné par des islamistes radicaux, il est rompu aux pratiques du pouvoir. Une semaine plus tard, il est élu à la présidence.
Au début de son mandat, Hosni Moubarak semble s’orienter vers une politique plus souple que celle de son prédécesseur. Il fait par exemple libérer 1 500 membres de la confrérie islamique des Frères musulmans, emprisonnés sous Sadate. Mais rapidement, le président égyptien, qui craint l’émergence d’un mouvement islamiste, resserre la vis. Entre 1990 et 1997, la répression contre la confrérie atteint son paroxysme : 68 islamistes sont exécutés, 15 000 enfermés dans les geôles égyptiennes.
Une conception toute personnelle de la démocratie
L’homme fort du Caire s’appuie sur un redoutable appareil policier et sur un système politique dominé par sa formation, le Parti national démocratique (PND). L’opposition est réduite au silence. Moubarak est l’unique candidat aux présidentielles de 1987, 1993 et 1999, qu’il remporte avec plus de 95 % des voix.
En 2005, face au mécontentement grandissant de la population, il fait modifier la Constitution pour permettre la tenue d’élections multipartites. Mais ce pluralisme n’est que de façade : Hosni Moubarak est réélu avec plus de 88 % des voix.
Dans le même temps, le leader égyptien met en place un programme d’ouverture économique. Son bilan est très mitigé : en 2011, plus de 40 % de la population vit encore avec moins de deux dollars par jour et la corruption reste forte.
L’Égypte au cœur de la scène internationale
Sur le plan diplomatique en revanche, le dirigeant égyptien fait de son pays un pilier modéré du monde arabe, qu’il réussit à placer à nouveau sur la scène internationale.
Pivot entre l’Afrique et le Proche-Orient, l’Égypte constitue un pôle particulièrement rassurant pour les Occidentaux. Si Hosni Moubarak n’a pu empêcher des attentats terroristes, la stabilité politique qu’il réussit à faire régner dans le pays lui permet aussi de jouer un rôle essentiel de médiateur dans la résolution des crises régionales, notamment dans le conflit israélo-palestinien.
La confiance que lui accordent les pays arabes finit toutefois par s’étioler, le coup de grâce étant donné par le raid mené par Israël sur la bande de Gaza entre le 27 décembre 2008 et le 18 janvier 2009. L’Égypte refuse alors d’ouvrir entièrement le passage de Rafah et détruit les tunnels qui servent à approvisionner la bande de Gaza en nourriture, en médicaments, en essence ou en armes. Ces décisions provoquent la colère de la population, qui manifeste dans les rues du Caire et devant les ambassades égyptiennes au Moyen-Orient.
Le déclin
Sur le plan intérieur, la contestation grandit. La classe ouvrière peine à survivre ; créé en 2004, le mouvement d’opposition Kifaya ("Ça suffit"), qui regroupe des opposants de diverses tendances, organise des manifestations.
L’ascension rapide du second fils d’Hosni Moubarak, Gamal, au sein du parti présidentiel fait également grincer des dents. Tous y voient la main du "raïs" tentant d’organiser sa succession, alors qu’une élection présidentielle est prévue en septembre 2011. Les deux principaux partis d’opposition, les Frères musulmans et le parti libéral Wafd, ont boycotté le second tour des législatives de décembre 2010, accusant le PND de fraudes.
Mais l’opposition compte désormais sur une nouvelle figure. En février 2010, Mohammed el-Baradeï, ancien numéro un de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), est accueilli en héros à l’aéroport du Caire, alors qu’il revient en Égypte pour la première fois depuis la fin de son mandat. Aujourd’hui, il se dit prêt à diriger le pays, si le peuple le lui demande.