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La SNCF a été "un rouage de la machine nazie d'extermination" selon son PDG

Lors d'une cérémonie à la gare de Bobigny, ce mardi, le PDG de la SNCF, Guillaume Pepy, a exprimé ses regrets pour le rôle joué par la compagnie ferroviaire dans la déportation de milliers de juifs vers Auschwitz pendant la Seconde Guerre mondiale.

AFP - Le président de la SNCF Guillaume Pepy a reconnu mardi à Bobigny que son entreprise, bien que "contrainte, réquisitionnée", fut "un rouage de la machine nazie d'extermination".

En cédant à la ville de Bobigny un terrain de la gare de marchandises d'où sont partis vers le camp d'extermination d'Auschwitz, en 1943 et 1944, 21 convois transportant 22.407 personnes internées dans le camp voisin de Drancy, M. Pepy a évoqué les responsabilités de son entreprise, en présence de Simone Veil, présidente d'honneur de la Fondation pour la mémoire de la Shoah.

Parlant de "moments terribles, des moments funestes", M. Pepy a souligné "la nécessité de regarder ce passé en face, le connaître, le comprendre, en perpétuer la mémoire, en tirer une leçon de vie".

La SNCF, qui a transporté les 76.000 juifs de France vers les camps d'extermination entre 1942 et 1944, était "réquisitionnée", "soumis(e) à l'effort de guerre nazi", a-t-il rappelé.

"L'indicible et l'effroyable, tapis au bout des voies de chemin de fer, étaient présents en ces jours de malheur où la SNCF fut contrainte de se soumettre", a insisté M Pepy.

"Contrainte, certes, notre entreprise a acheminé ces trains jusqu'à la frontière. Elle l'a fait", a-t-il reconnu.

"La SNCF, entreprise d'Etat, a été --contrainte, réquisitionnée--, un rouage de la machine nazie d'extermination. Nous ne l'oublierons pas."

Une fois de plus, il a repris à son compte les mots du président français Jacques Chirac prononcés en juillet 1995, lors des commémorations de la Rafle du Vel' d'Hiv': "Ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l'occupant a été secondée par des Français, par l'Etat français".

"Je veux dire la profonde douleur et les regrets de la SNCF pour les conséquences des actes de la SNCF de l'époque. En son nom, je m'incline devant les victimes, les survivants et les enfants de déportés et devant la souffrance qui vit encore", a souligné M. Pepy.

"En ces jours de malheur, notre entreprise avait tous les visages de la France", a encore relevé le patron de la SNCF, rappelant que "les cheminots résistants ont été l'honneur de l'entreprise et de la France".

Quelque 2.000 cheminots ont été fusillés ou sont morts en déportation, et "une démarche de mémoire" va être lancée "pour connaître qui ils étaient, ce qu'était leur vie, ce qu'ont été leurs actes de courage et de résistance", a-t-il indiqué.

"C'est une démarche sincère, profonde", a indiqué M. Pepy, rappelant que l'entreprise publique avait ouvert ses archives depuis la fin des années 1990, fait travailler des chercheurs sur le sujet et organisé un grand colloque sur la question dès 2000.

Selon lui, cette démarche n'a donc "aucun rapport" avec l'intérêt de la SNCF pour la grande vitesse aux Etats-Unis, où des élus ont cherché à lier d'éventuels contrats à sa repentance pour son rôle dans l'Holocauste.

"Je vous fais confiance, pour qu'on sache ce qui s'est passé", a déclaré Simone Veil.

Se disant "particulièrement heureuse" et très émue", elle a relevé que la SNCF "n'a pas toujours été parfaite", mais souligné que le plus important était de diffuser la mémoire des faits.

Longtemps occupée par un ferrailleur, la gare désaffectée de la ligne de grande ceinture a failli être démolie dans les années 1980. Elle a été classée en 2005.