
La police a arrêté 19 activistes anti-gouvernementaux suite aux manifestations qui ont sécoué ce samedi la capitale yénénite. Les protestataires y dénonçaient la politique sociale du gouvernement.
REUTERS - Dix-neuf militants anti-gouvernementaux ont été arrêtés dimanche au Yémen, dont une militante organisatrice ces derniers jours de deux manifestations d'étudiants contre le président. S'inspirant des récents troubles sociaux en Tunisie qui ont débouché sur la fuite du président tunisien Zine ben Ali, Tawakul Karman a organisé deux manifestations à l'université de la capitale contre les régimes autocratiques arabes, appelant notamment au renversement du président Ali Abdullah Saleh, au pouvoir depuis une trentaine d'années.
"Partez avant que vous y soyez forcés", pouvait-on lire sur certaines pancartes brandies lors des rassemblements.
Karman, journaliste membre du parti islamiste Islah, a été interpellée dimanch matin alors qu'elle rentrait chez elle et inculpée d'organisation illégale de manifestations, a déclaré son mari à Reuters.
Un peu plus tard, la police de Sanaa a arrêté 18 autres activistes, dont les dirigeants des deux plus importantes organisations yéménites de défense des droits de l'homme, alors
qu'ils sortaient d'une réunion au cours de laquelle ils avaient discuté de l'arrestation de Karman.
Ces arrestations ont suscité dimanche une manifestation spontanée de plusieurs centaines de personnes à l'université de Sanaa. Les manifestants, qui brandissaient des photos de Karman, ont tenté, aux cris de "libérez les prisonniers", de se rendre jusqu'au bureau du procureur général qui, selon une source proche des services de sécurité, avait ordonné son arrestation
Pauvreté et chômage
Mais une cinquantaine de policiers en tenue anti-émeutes et équipés de matraques les a refoulés et a confisqué leurs caméras, a rapporté un correspondant de Reuters. Un manifestant a été brièvement interpellé.
"Je n'ai aucune information exacte sur l'endroit où elle se trouve", a déclaré par téléphone Mohamed Ismaïl an Nehmi, époux de Karman.
Dans un discours diffusé dimanche par la télévision, Saleh a réitéré une offre de dialogue avec les groupes d'opposition, affirmant qu'il ne faut pas établir de lien entre le Yémen et les événements en Tunisie.
"Nous sommes un pays démocratique à la différence de la Tunisie qui a placé les mosquées sous surveillance et fait taire tout le monde", a-t-il dit.
Saleh a aussi annoncé son intention de relever de 47 dollars le salaire mensuel des fonctionnaires et des militaires pour le porter à 234 dollars.
Saleh a proposé ces derniers jours des réformes constitutionnelles avec une limitation future du nombre de mandats présidentiels. Mais les manifestant ont jugé cette offre insuffisante et se sont rassemblés par milliers dans le Sud pour critiquer le gouvernement.
Le départ forcé de Ben Ali a provoqué une onde de choc dans le monde arabe, touché par une vague d'immolations par le feu, reproduisant le geste d'un jeune Tunisien à l'origine du soulèvement populaire.
Le Yémen peine à sortir de la pauvreté, avec une production pétrolière en baisse. Plus de 40% des 23 millions d'habitants vivent avec moins de deux dollars par jour et près d'un tiers souffrent de sous-alimentation chronique.
Taoufik al Makhessi, un manifestant, expliquait dimanche que l'état catastrophique de l'économie l'avait poussé à descendre dans la rue. "Je manifeste aujourd'hui en raison du chômage, parce que je suis diplômé de l'université et que je suis sans emploi depuis six ans".