En visite pour quatre jours aux États-Unis, le président chinois a laissé entendre dans les médias américains que le dollar était une "monnaie du passé". Le yuan est-il prêt à prendre la relève ?
Derrière les belles paroles, les grandes batailles. Alors que le président américain Barack Obama a estimé, ce mercredi, que la visite de Hu Jintao, son homologue chinois, à Washington, allait lancer "30 ans de coopération" entre la Chine et les États-Unis, la guerre économique entre les deux meilleurs ennemis du moment bat son plein.
Quelques jours avant son arrivée dans la capitale américaine, l’homme fort de Pékin a estimé, dans le "Wall Street Journal" et le "Washington Post", que le dollar était une "valeur du passé". Un nouveau coup de boutoir porté par la Chine sur le front monétaire, Hu Jintao ne cachant pas qu'il verrait d'un bon œil le yuan devenir la prochaine monnaie de réserve mondiale. "Cela permettrait à la Chine de conforter sa réputation internationale et d’emprunter de l’argent à des taux moins élevés qu’actuellement", explique à France24.com Keyu Jin, spécialiste de l’économie chinoise à la London School of Economics.
Pékin a d’ailleurs commencé à mettre en œuvre un système permettant aux investisseurs étrangers d’effectuer leurs opérations en yuan plutôt qu’en dollars… même hors de Chine. Depuis le 12 janvier, les succursales de la Bank of China à New York acceptent en effet que les particuliers achètent pour 4 000 dollars de yuan chaque jour.
Offensive tous azimuts
Au début du mois de janvier, les autorités chinoises avaient également donné leur permission à la Banque mondiale, à McDonald et à Caterpillar d’utiliser le yuan comme monnaie d’échange dans le monde. En Afrique aussi, Pékin pousse dans cette direction. Le Nigeria vient ainsi d’introniser la monnaie chinoise comme devise officielle à la Bourse de Lagos.
Reste une question : pourquoi Pékin en veut-il tellement au dollar ? La Chine, qui détient les plus importantes réserves de billets verts dans le monde, "a perdu beaucoup d’argent à cause de la dépréciation de la devise américaine", explique Keyu Jin. Et Hu Jintao ne voudrait pas que cela dure éternellement, "surtout qu’aucun signe ne montre que la baisse du dollar va s’arrêter", poursuit l’économiste.
Cette offensive tous azimuts pourrait-elle marquer la fin programmée du dollar ? Les économistes sont de plus en plus nombreux à se demander quand - et non plus si... - cela arrivera. "Rien n’est écrit, tempère cependant Keyu Jin. Les risques que la Chine implose économiquement, socialement ou politiquement, sont réels, ce qui remettrait tout en cause."
Pas le choix
Mais même si Pékin réussit à garantir sa stabilité, un tel tournant monétaire est loin d’être à l'ordre du jour, explique Keyu Jin : "Attendre d’un pays en voie de développement qu’il détienne la monnaie mondiale de référence me semble exagéré". Cela ne saurait en particulier avoir lieu tant que les États-Unis resteront la première puissance mondiale.
Il faudrait aussi et surtout que les autorités chinoises soient prêtes aux sacrifices qu’implique un tel changement de statut du yuan. Le plus important consiste à accepter de laisser la valeur de sa monnaie fluctuer. Or, pour l’instant, Pékin ne semble pas prêt à abandonner son soutien à un yuan faible qui garantit la compétitivité de ses exportations. Mais après tout, peut-être que les autres pays ne lui en laisseront pas le choix. "Si la crise de l’euro persiste et que le dollar continue à chuter, il n’y aura pas d’autres alternative que le yuan", conclut Keyu Jin.