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Pasqua et Falcone en première ligne du procès en appel de l'Angolagate

Le procès en appel de l'"Angolagate", un trafic d'armes vers l'Angola impliquant entre autres l'homme d'affaires Pierre Falcone (photo) s'est ouvert à Paris. La défense va plaider que la classe politique de l'époque était informée de cette affaire.

Dans les premiers rôles, Pierre Falcone, Charles Pasqua et Arcadi Gaydamak. Dans les seconds, de hauts responsables politiques français. En toile de fond, un commerce d'armes entre l'Angola, plongé dans une longue guerre civile, et d'anciens pays soviétiques, au cours des années 1990. L'acte II de l'Angolagate s'est ouvert ce mercredi matin devant la Cour d'appel du tribunal de Paris.

La principale "vedette", Pierre Falcone, un homme d'affaires franco-angolais, comparaît détenu. Condamné en 2009 à six ans de prison ferme pour commerce illicite d'armes, abus de biens sociaux et trafic d'influence, il est depuis incarcéré à la prison de Fleury Mérogis. Le milliardaire israélien d'origine russe Arcadi Gaydamak, lui aussi condamné à six ans ferme en première instance pour vente illicite d'armes, abus de biens sociaux, fraude fiscale, trafic d'influence et blanchiment, est en fuite. Absent lors du premier procès, il ne s'est pas présenté non plus ce mercredi matin.

"Tous les dirigeants politiques étaient informés"

Tous deux sont accusés d'être les principaux artisans de la vente d'armes en provenance d'ex-URSS à l'Angola du président Éduardo Dos Santos, pour près de 790 millions de dollars. La facture, gagée sur les recettes pétrolières de l'Angola, aurait été gonflée pour permettre le versement de commissions à des "relais", notamment français. Selon l'accusation, ces opérations ont été orchestrées depuis le siège français de l'entreprise de Pierre Falcone, Brenco, et n'ont pas été dûment autorisées par les autorités. 

Le sénateur français des Hauts-de-Seine Charles Pasqua, ancien ministre de l'Intérieur de Jacques Chirac puis d'Édouard Balladur, comparaît lui libre, sa condamnation à trois ans d'emprisonnement dont un ferme et 100 000 euros d'amendes ayant été suspendue par l'appel. Il est accusé d'avoir attribué l'Ordre national du mérite à Arcadi Gaydamak en échange du financement par les vendeurs d'armes, à hauteur de près de 225 000 euros, de son association France-Afrique-Orient. 

En appel, la défense va arguer que les ventes d'armes, effectuées par une société slovaque, ne nécessitaient pas d'autorisation française. Autre argument : tous les responsables politiques de l'époque étaient au courant. "L'ensemble des dirigeants politiques, entre 1993 et 2000, de droite comme de gauche, étaient parfaitement informés de cette acquisition par l'Angola auprès de la Russie, a affirmé à RFI l'avocat de Pierre Falcone, Emmanuel Marsigny. Ils étaient aussi parfaitement informés de la nature de l'intervention de Pierre Falcone dans cette affaire. C'est la raison pour laquelle aucune plainte n'avait été déposée. Ces éléments n'ont jamais été pris en considération." 

"Le président de la République était au courant, le Premier ministre était au courant, la plupart des ministres aussi", avait également affirmé Charles Pasqua en octobre 2009, à l'annonce de sa condamnation. Il a aussi réclamé la levée du secret défense dans toutes les affaires de ventes d'armes

Chirac, Villepin ou Juppé cités comme témoins 

Parmi la vingtaine de témoins cités par la défense figurent l'ancien président Jacques Chirac, l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin, le ministre de la Défense et ancien Premier ministre Alain Juppé ou encore l'ancien ministre de la Défense Charles Millon. Peu d'entre eux devraient néanmoins se présenter. 

Emmanuel Marsigny, avocat de Pierre Falcone

Ce gigantesque procès embarrasse les autorités, aussi bien françaises qu'angolaises. Lors d'une visite officielle à Luanda en 2008, le président français Nicolas Sarkozy a parlé d'un "malentendu du passé" à propos de cette affaire. Cette même année, le ministre de la Défense, Hervé Morin, a affirmé dans un courrier adressé aux avocats de Pierre Falcone que la vente d'armes était "légale" aux yeux du ministère. Les magistrats se sont eux plaints de "pressions". Nommé il y a tout juste deux mois, c'est Alain Guillou qui préside cette audience. 

Les autorités angolaises, de leur côté, ont nommé Pierre Falcone ambassadeur de l'Unesco en Angola pour tenter de lui conférer une immunité, mais sans succès

Le 27 octobre 2009, le tribunal correctionnel de Paris avait prononcé 36 condamnations et six relaxes. Vingt-quatre condamnés voient aujourd'hui leur dossier examinés en appel. Le procès devrait durer jusqu'au 2 mars.