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Zine El-Abidine Ben Ali et sa famille se sont réfugiés en Arabie saoudite après avoir quitté précipitamment la Tunisie. Le président par intérim, Mohammed Ghannouchi, entame des discussions avec les différents partis pour préparer la transition.

Après une nuit sous couvre-feu, le calme règne pour l'instant dans la capitale tunisienne alors que le président déchu Zine El-Abidine Ben Ali a trouvé refuge en Arabie saoudite, après près d'un mois de violentes émeutes. Le président par intérim, Mohammed Ghannouchi, rencontre ce samedi matin des représentants de l'opposition et entend former un gouvernement d'union nationale.

Confronté à un mouvement de contestation populaire inédit depuis l'immolation du jeune chômeur Mohammed Bouazizi à Sidi Bouzid, le 17 décembre, Zine El-Abidine Ben Ali a finalement quitté précipitamment la Tunisie vendredi en fin de journée, à bord d'un avion civil de la compagnie tunisienne Cargo Airlines. Après avoir tenté de se rendre en Sardaigne puis en Italie, il a atterri à Jeddah, en Arabie saoudite, avec une partie de sa famille, dont son épouse Leïla. "Les autorités saoudiennes ont indiqué que leur décision d'accueillir le président tunisien se fonde sur des circonstances exceptionnelles, précise Clarence Rodriguez, correspondante de FRANCE 24 à Riyad. Elles ont d'autre part confirmé leur soutien au peuple tunisien."

Selon une proche du gouvernement français, Paris "ne souhaitait pas" accueillir Zine El-Abidine Ben Ali, pourtant "ami" de la France depuis des années. Les autorités redoutaient notamment de mécontenter l'importante communauté tunisienne du pays.

"Ghannouchi doit gagner la confiance du peuple"

Le président par intérim, Mohammed Ghannouchi, a lui-même annoncé que ce samedi serait une "journée test". "Vendredi matin, les manifestants étaient encore en train de scander des slogans contre le président Ben Ali, explique Cyril Vanier, envoyé spécial de FRANCE 24 à Tunis. Personne ne pouvait prévoir qu'en moins de 24 heures, il serait parti. Ce samedi matin, la Tunisie se réveille avec une nouvelle donne politique."

"Cette journée de samedi est très importante, confirme Omeyya Seddik, représentant du Parti démocratique progressiste, interrogé ce samedi matin sur FRANCE 24. Il faut que Mohammed Ghannouchi mette en place un gouvernement de transition, ou de Salut public, réellement indépendant du parti-État qui a gouverné la Tunisie pendant 23 ans, pour organiser une transition. Mohammed Ghannouchi doit gagner la confiance du peuple ; il est depuis longtemps le Premier ministre de Zine El-Abidine Ben Ali, a participé à sa gestion du pays... Il ne doit pas être soupçonnable de vouloir continuer la dictature sans le dictateur. Le peuple a une réelle volonté de changement et attend des actes concrets."

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Des Tunisiens de France manifestent devant l'ambassade à Paris
"Journée test" en Tunisie après le départ du président déchu Ben Ali

Vendredi, deux leaders de l'opposition - Mustapha Ben Jaafar, chef du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) et Néjib Chebbi, chef historique du PDP - ont affirmé à l'AFP être prêts à collaborer avec le président par intérim. Mohammed Ghannouchi s'est engagé à respecter la Constitution et a promis l'organisation d'élections anticipées dans un délai de six mois.

Dans la nuit de vendredi à samedi, la capitale tunisienne était quasiment déserte, Zine El-Abidine Ben Ali ayant instauré un couvre-feu quelques heures avant son départ. Mais certains quartiers ont malgré tout été la cible de pillages et de destructions. L'armée a été appelée en renfort pour mettre fin à ces incidents, et des coups de feu ont été entendus. "Un hôpital nous a confirmé avoir reçu dans la nuit une quinzaine de blessés, précise Cyril Vanier. Ce sont sans doute des pilleurs touchés par des tirs de l'armée." Ce samedi, un hypermarché situé à la sortie de Tunis a également été pillé, après avoir été attaqué la veille.

Dans la nuit, Mohammed Ghannouchi a assuré sur la chaîne publique Tunis7 qu'il faisait du rétablissement de l'ordre public une "priorité absolue".

L'Occident appelle à une transition pacifique

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Ben Ali accueilli en Arabie Saoudite
"Journée test" en Tunisie après le départ du président déchu Ben Ali

À l'étranger, les capitales occidentales ont appelé à une transition pacifique après la fuite de leur allié, Zine El-Abidine Ben Ali. Le président américain Barack Obama a encouragé "toutes les parties à maintenir le calme et à éviter des violences", appelant "le gouvernement tunisien à organiser dans un proche avenir des élections libres et justes". Paris a souhaité "l'apaisement et la fin des violences", tout en prônant "le dialogue" pour apporter "une solution démocratique et durable à la crise actuelle".

"Nous voulons exprimer notre soutien aux Tunisiens et notre reconnaissance de leurs aspirations démocratiques auxquelles on devrait répondre d'une manière pacifique", ont déclaré de leur côté le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Catherine Ashton, et le commissaire européen à l'Élargissement, Stefan Fuele. Les Nations unies ont également appelé à un "règlement démocratique" de la crise.

Aucune capitale arabe autre que Riyad n'a en revanche réagi. Zine El-Abidine Ben Ali est "le premier chef d'État arabe amené à fuir le pouvoir sous la pression populaire, a précisé sur FRANCE 24 Zaki Laïdi, directeur de recherche à l'Institut d'études politiques de Paris. C'est un événement colossal dans une région du monde qui se caractérise par une longévité non démocratique des régimes".