La démission de onze ministres a eu raison du gouvernement d'union nationale de Saad Hariri (photo), en place depuis 14 mois. Les multiples tensions suscitées par l'enquête du Tribunal spécial pour le Liban sont à l'origine de la crise.
Le gouvernement d’union nationale du Premier ministre libanais Saad Hariri n'est plus. Quelques minutes après l'annonce ce mercredi, de la démission de 10 ministres du Hezbollah et de l'opposition, la défection d'un onzième membre du gouvernement a provoqué la chute du cabinet, qui comptait 30 maroquins. En effet, selon la Constitution libanaise, si plus d’un tiers des ministres se retirent du gouvernement, ce dernier tombe aussitôt.
itAu même moment, le Premier ministre Saad Hariri était reçu par le président américain Barack Obama à Washington. Dès que la nouvelle est arrivée, il a décidé d'écourter sa visite aux Etats-Unis pour rentrer à Beyrouth. Il doit faire escale ce jeudi à Paris pour s'entretenir avec le président français Nicolas Sarkozy.
Le TSL au cœur du bras de fer avec l'opposition
Principale raison de cette démission collective : le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) chargé de juger les responsables de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. "Le but de cette démission collective est claire et l’opposition ne s’en cache pas : il s’agit de forcer Saad Hariri à couper les liens avec le TSL avant la publication de l’acte d’accusation", explique à France24.com, Paul Salem, politologue et directeur du Centre Carnegie pour le Moyen-Orient.
Cette défection de ministres de l’opposition fait suite à un ultimatum lancé ce mercredi matin. Le Hezbollah et ses alliés ont exigé la tenue d’une réunion extraordinaire du Conseil des ministres. Ils souhaitaient discuter "des moyens de contrer les effets de l’acte d’accusation".
Et pour cause, Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, avait indiqué à plusieurs reprises que l’acte pourrait impliquer plusieurs membres de son parti. Il accuse en outre le TSL d'être non seulement "politisé et à la solde des Etats-Unis et d’Israël", mais aussi d'avoir basé son enquête sur de faux témoignages tout en ignorant la piste israélienne.
La médiation syro-saoudienne n'a pas su trouver de compromis
Pour le Premier ministre Saad Hariri, sous pression depuis des mois, la situation est devenue intenable. "Il se trouve coincé entre deux options mais il lui est impossible de choisir entre savoir qui a tué son père et obtenir justice, ou ménager le Hezbollah pour sauvegarder la stabilité du pays", analyse Paul Salem.
C’est dans ce contexte que, depuis quelques mois, une médiation était menée conjointement par l’Arabie saoudite, soutien traditionnel des sunnites libanais, et la Syrie, allié du Hezbollah chiite, afin de trouver un compromis acceptable pour les deux camps. Mardi, à la veille de la démission de ses ministres, l’opposition avait annoncé l’échec de cette initiative. "Les négociations n’ont pas abouti car les exigences et les positions de chaque partie étaient trop éloignées. Les évènements d’aujourd’hui sont la conséquence de cet échec", poursuit le politologue basé à Beyrouth.
Les consultations politiques vont pouvoir recommencer
Reste à savoir comment vont réagir le Premier ministre et les membres de la majorité parlementaire. Ces derniers attendent le retour de leur leader avant de se prononcer sur la suite des évènements. "Le Liban a déjà connu ce type de crise, la situation est tendue mais pas désespérée, à moins que le conflit ne se règle dans la rue", note Paul Salem.
Légalement, le gouvernement de Saad Hariri restera en place pour gérer les affaires courantes. Le président de la République doit consulter les différentes forces politiques du Parlement pour nommer un nouveau Premier ministre. Cette phase d’instabilité politique peut durer plusieurs mois puisque la majorité va vraisemblablement demander la nomination de Saad Hariri. Et ce dernier devra convaincre à nouveau des membres de l’opposition d’intégrer son gouvernement. Une mission a priori vouée à l'échec vu l’inflexibilité de chaque camp.