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Le centre du pays en proie à des affrontements violents

La réponse de Ben Ali à la télévision semble ne pas avoir convaincu la rue. La ville de Kasserine s'est embrasée dans la nuit de lundi à mardi. Le ministère de l'Intérieur fait état de quatre morts et de huit policiers blessés.

AFP - Le bilan des troubles sociaux qui ébranlent la Tunisie depuis près d'un mois s'est alourdi à une cinquantaine de morts dans le centre du pays en trois jours, selon un responsable syndical qui a évoqué une situation de "chaos" mardi à Kasserine, principale ville du centre.

Le ministère de l'Intérieur a fait état de quatre morts et de huit policiers blessés lundi à Kasserine. Le précédent bilan officiel donnait dimanche quatorze morts à Thala et Kasserine.

"C'est le chaos à Kasserine après une nuit de violences, de tirs de snipers, pillages et vols de commerces et de domiciles par des effectifs de police en civil qui se sont ensuite retirés", a affirmé Sadok Mahmoudi, membre de la branche régionale de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT).

Cette version des faits a été corroborée par d'autres témoins interrogés par l'AFP, paraissant indiquer que l'intervention télévisée lundi du président Zine El Abidine Ben Ali n'avait pas réussi à désamorcer les plus graves protestations sociales en 23 ans de régime.

"Le nombre de tués a dépassé les cinquante, a dit le syndicaliste, citant un bilan recueilli auprès du personnel médical de l'hôpital régional de Kasserine où ont été transportés et comptabilisés les corps depuis différents lieux de la région.

Un fonctionnaire local ayant requis l'anonymat a fait état de tirs de snipers postés sur les toits et de tirs des forces de police sur des cortèges funèbres dans cette ville à 290 km au sud de la capitale, Tunis.

Le personnel médical de l'hôpital de Kasserine a débrayé durant une heure en signe de protestation, a ajouté ce fonctionnaire, décrivant des "cadavres éventrés, à la cervelle éclatée".

A Paris, la présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), la Tunisienne Souhayr Belhassen, avait auparavant déclaré qu'au moins 35 personnes identifiées avaient été tuées ce week-end dans trois villes du centre: Regueb, Thala et Kasserine.

Pour le gouvernement tunisien, Kasserine a été "le théâtre d'actes de violence et de destructions perpétrés par des groupes qui ont attaqué deux postes de police, à coup de bouteilles incendiaires, de bâtons et de barres de fer".

"Après diverses sommations et des tirs en l'air, la police a fait usage des armes dans un acte de légitime défense, lorsque les assaillants ont multiplié les attaques, jetant des pneumatiques en feu pour forcer les locaux de la police dont les équipements ont été incendiés", a indiqué mardi le ministère de l'Intérieur.

Cet incident a "occasionné la mort de quatre assaillants et pas moins de huit blessés plus ou moins graves parmi les agents de l'ordre, dont certains souffrent de brûlures", selon le communiqué officiel.

Amnesty International a déclaré qu'au moins 23 personnes avaient été tuées ce week-end par les forces de sécurité qui ont ouvert le feu "dans un déferlement de violence inouïe contre des gens venus protester contre leurs conditions de vie, le chômage et la corruption".

Le mouvement a débuté le 17 décembre après l'immolation par le feu d'un jeune marchand de rue de Sidi Bouzid, dans le centre-ouest, à 265 km de Tunis, qui protestait contre la saisie de sa marchandise par la police.

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Le centre du pays en proie à des affrontements violents

Lundi, un autre jeune homme, Allaa Hidouri, 23 ans, diplômé de l'université et sans emploi, s'est suicidé par électrocution dans cette même région de Sidi Bouzid, selon un témoin et un proche, portant à cinq le nombre des suicides depuis la mi-décembre.

Les écoles et universités ont été fermées à partir de mardi jusqu'à nouvel ordre dans tout le pays.

Selon Souhayr Belhassen de la FIDH, l'agitation s'est étendue à des villes côtières, au coeur de la Tunisie touristique.

A Tunis, la police a dispersé mardi un début de manifestation d'artistes, ont constaté des journalistes. La tension était perceptible dans la capitale alors que des appels à manifester massivement sont relayés sur le réseau social Facebook.

L'Europe et les Etats-Unis se sont déjà dit préoccupés. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon s'est "inquiété de l'escalade des affrontements violents".

Le président Ben Ali est intervenu lundi à la télévision pour qualifier les violences d "actes terroristes impardonnables perpétrés par des voyous cagoulés" tout en promettant des centaines de milliers d'emplois nouveaux.