
Souhayr Belhassen, la présidente tunisienne de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH), affirme disposer d'une liste nominative de 35 personnes tuées dans les émeutes qui ont secoué la Tunisie ce week-end.
AFP - Le bilan des violences en Tunisie s'est alourdi à au moins 35 morts identifiés après un week-end de manifestations sanglant, selon des défenseurs des droits de l'homme, alors que le régime cherche à désamorcer près d'un mois de contestation en maniant la carotte et le bâton.
"Le chiffre de 35 morts s'appuie sur une liste nominative", a dit à l'AFP à Paris la présidente de la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH), Souhayr Belhassen.
"Mais le nombre total des victimes (nombre des morts, NDLR) est plus important. Ca tourne autour de la cinquantaine mais c'est une évaluation", a-t-elle ajouté après que la Tunisie, victime d'un fort chômage frappant notamment la jeunesse, eut connu son week-end le plus meurtrier depuis le début du mouvement à la mi-décembre.
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Le bilan "a tragiquement augmenté" après les émeutes de samedi et dimanche dans trois villes du centre du pays: Regueb, Thala et Kasserine, et les blessés sont si nombreux qu'"on ne peut pas les compter", a dit Mme Belhassen, elle-même tunisienne.
Le gouvernement avait fait état dimanche de quatorze personnes mortes pendant les affrontements ce week-end à Thala et Kasserine.
Une autre ONG de défense des droits de l'homme, Amnesty International, avait déclaré lundi qu'au moins "23 personnes avaient été tuées par les forces de sécurité" lors des affrontements du weekend.
Le précédent bilan de cette vague inédite de protestation sociale, avant le week-end, s'élevait à au moins 4 morts, dont deux suicides. Elle a débuté le 17 décembre après l'immolation par le feu d'un jeune marchand de rue de Sidi Bouzid, dans le centre-ouest, à 265 km de Tunis, qui protestait contre la saisie de sa marchandise par des agents de la force publique.
Alors que l'Europe et les Etats-Unis se sont déjà dit préoccupés, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon s'est à son tour, lundi, "inquiété de l'escalade des affrontements violents" entre forces de l'ordre et manifestants. Il a appelé à la retenue, au dialogue et au respect de la liberté d'expression.
Selon Souhayr Belhassen de la FIDH, l'agitation s'est également étendue à des villes côtières, au coeur de la Tunisie touristique.
Alors que les étudiants ont commencé à manifesté, notamment à Tunis, le président Zine El Abidine Ben Ali est intervenu lundi à la télévision pour qualifier les violences de "terroristes" tout en promettant des centaines de milliers d'emplois nouveaux.
Au pouvoir depuis 23 ans, il a dénoncé des "actes terroristes impardonnables perpétrés par des voyous cagoulés".
"A ceux qui veulent porter atteinte aux intérêts du pays, ou manipuler notre jeunesse, nous disons que la loi sera appliquée", a-t-il averti. Les écoles et universités ont été fermées à partir de mardi jusqu'à nouvel ordre dans tout le pays.
Le président tunisien a attribué les troubles à des "éléments hostiles à la solde de l'étranger" et "certaines parties qui veulent porter atteinte aux intérêts du pays, ou manipuler notre jeunesse", a-t-il dit.
Parallèlement, pour juguler le chômage et désamorcer la crise, il s'est engagé à créer plus d'emplois notamment pour les jeunes diplômés d'ici 2012.
"Nous avons décidé de multiplier les capacités d'emploi et la création de sources de revenus (...) dans tous les secteurs durant les années 2011 et 2012", a-t-il dit, annonçant 300.000 emplois en plus de 50.000 autres promis par le patronat.
A Washington, le département d'Etat a reconnu que l'ambassadeur des Etats-Unis à Tunis avait été convoqué par le gouvernement tunisien lundi, après des commentaires de Washington sur la crise sociale.
Principal partenaire et bailleur de fonds de la Tunisie, l'Union européenne a haussé le ton conditionnant lundi les négociations sur des relations renforcées au respect des droits de l'homme.
La France a de nouveau déploré mardi les "violences" et appelé à "l'apaisement".