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La contestation s'étend au lendemain du décès du jeune marchand

Le régime du président Ben Ali vacille-t-il ? Le Conseil de l'Ordre des avocats tunisiens appelle à la grève générale ce jeudi alors que le pays est en proie, depuis trois semaines, à un mouvement continu de protestations sociales.

La Tunisie, secouée depuis le mois dernier par un mouvement de protestations sociales, se prépare à vivre une nouvelle journée d’action. Après les lycéens et les étudiants, le mouvement s’est étendu aux avocats tunisiens, dont le Conseil de l'Ordre appelle à la grève générale ce jeudi.  "C’est le rôle des avocats de se solidariser avec de tels mouvements, réclamant le droit au travail et à une vie digne", expliquait mercredi à FRANCE 24, Me Abderrazak Kilani, bâtonnier de l’Ordre national des avocats de Tunisie. Vendredi, "une intervention démesurée de la police" avait visé des avocats alors qu’ils tentaient d’exprimer pacifiquement leur appui à la population de Sidi Bouzid (centre-ouest), selon Me Kilani.

"Adieu Mohamed, nous te vengerons!"

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La contestation s'étend au lendemain du décès du jeune marchand

Sidi Bouzid. C'est dans cette ville que tout a commencé, le 17 décembre dernier. Un marchand, Mohamed Bouazizi, s’y est immolé par le feu après s'être fait confisquer sa marchandise par la police. Ce jeune diplômé de 27 ans vendait des fruits et légumes sans permis pour faire vivre les siens. Il est décédé mardi, des suites de ses blessures. Une foule de 5 000 personnes ont accompagné ses obsèques qui ont eu lieu le même jour. "Adieu Mohamed, nous te vengerons!" ont scandé les manifestants dans le cortège, partagés entre tristesse et colère.

L’acte désespéré du jeune marchand est devenu un symbole pour les jeunes chômeurs diplômés, les syndicalistes et les militants des droits de l'Homme qui se sont alors mobilisés dans le pays. Plusieurs affrontements entre des jeunes et les forces de l’ordre ont eu lieu dans le pays : de Sousse, en passant par Sfax jusqu'à Tunis. Selon l’AFP, quatre personnes sont décédées depuis le début du mouvement : deux manifestants tués par balles à Menzel Bouzaiane, et deux suicides, dont celui de Mohamed Bouazizi, dont l'immolation par le feu avait provoqué l'ire de la population.

Un symbole de la détresse
des jeunesses maghrébines

Mercredi, toujours à Sidi Bouzid, une femme et ses trois enfants ont grimpé sur un pylône électrique et menacé de se donner la mort pour obtenir un emploi et un logement. Les autorités ont coupé l'électricité afin de prévenir tout risque de voir un nouveau suicide embraser le mouvement. "Les immolations par le feu disent la profonde détresse des jeunesses maghrébines face à une situation qu’elles ne comprennent pas, parce qu’elles n’ont pas la maîtrise sur leur avenir économique", explique Pierre Vermeren, historien spécialiste des sociétés maghrébines à la Sorbonne, invité du débat de FRANCE 24.

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La contestation s'étend au lendemain du décès du jeune marchand

Radhia Nasraoui, avocate et présidente de l’Association de lutte contre la torture en Tunisie estime que le mouvement va continuer. "Il n’y a pas eu de réponse du côté du pouvoir aux revendications légitimes de la population", explique-t-elle à FRANCE 24. Elle dénonce par ailleurs les "méthodes barbares" utilisées par les forces de l’ordre à l’encontre des jeunes et des manifestants. "Le fait d’avoir usé de la force pour essayer de réprimer ce mouvement est une grave erreur. Il faut tenter de trouver les remèdes aux problèmes de ces gens", a estimé de son côté Me Kilani.

Au pouvoir depuis 23 ans, le président Zine el Abidine Ben Ali accuse ses opposants de manipuler ces manifestations, phénomènes rares dans le pays. Toutefois, le chef d’Etat a nommé le 29 décembre un nouveau ministre de la Jeunesse, puis le lendemain, un nouveau gouverneur pour Sidi Bouzid. Des décisions qui pour l’instant n’ont pas réussi à calmer les esprits dans le pays.