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Laurent Gbagbo, accroché au pouvoir jusqu'au bout

Terré depuis 10 jours dans sa résidence présidentielle, Laurent Gbagbo s'est rendu le 11 avril 2011. Retour sur le parcours d'un habile politicien qui s'est battu pour accéder au pouvoir. Et y rester.

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Il avait lutté pour parvenir au pouvoir, il a lutté jusqu’au bout pour s’y maintenir. Il a finalement plié. Laurent Gbagbo est tombé aux mains de son adversaire Alassane Ouattara le lundi 11 avril 2011, après avoir passé dix jours retranché dans un bunker du sous-sol de la résidence présidentielle encerclée par les forces pro-Ouattara.

Pendant quatre mois, malgré les pressions de la communauté internationale, il s’est montré d’une détermination à toute épreuve. Plongeant la Côte d’Ivoire dans une violente crise politique, il a obstinément refusé de reconnaître sa défaite à l’élection présidentielle du 28 novembre 2010. Laurent Gbagbo avait été déclaré vainqueur par un Conseil constitutionnel acquis à sa cause, malgré les résultats communiqués par la commission électorale indépendante pour qui le verdict des urnes était favorable à Alassane Ouattara.

En quatre décennies de carrière politique, Laurent Gbagbo s’est fait connaître pour son habileté à "rouler ses adversaires dans la farine" qui lui a valu le surnom de "boulanger d’Abidjan". Mais l’opiniâtreté d’Alassane Ouattara et la pression internationale ont finalement eu raison de sa ténacité légendaire.

Du syndicalisme au palais présidentiel

Originaire du pays bété, dans l’ouest ivoirien, Laurent Gbagbo voit le jour le 31 mai 1945 dans le village de Mama, près de Gagnoa. Fils d’un catholique pratiquant, le jeune Laurent, pris de passion pour le grec et le latin, décide de suivre le chemin de l'enseignement.

Devenu enseignant en histoire et en géographie au Lycée classique d’Abidjan puis chercheur à l'Institut d'histoire, d'art et d'archéologie africaine (IHAAA), Laurent Gbagbo milite au sein du Syndicat national de la recherche et de l’enseignement supérieur (Synares). Un activisme qui lui vaut de séjourner quelques temps en prison.

Galvanisé par les manifestations étudiantes de février 1982 auxquelles il a pris part, le jeune syndicaliste durcit son opposition au régime du président Houphouët Boigny en fondant, cette même année, le Front populaire ivoirien (FPI), qui s’attire très vite les foudres du pouvoir.

Lors de l’instauration du multipartisme dans le pays, le chef de file du FPI, qui vient d'adhérer à l'Internationale socialiste, annonce sa candidature à la présidentielle d’octobre 1990. Contre toute attente, le camarade Gbagbo récolte 18,3 % des voix. La Côte d’Ivoire se découvre un opposant fougueux et bateleur qui - fait rare - ne craint pas de s’attaquer à la statue Houphouët.

À l’issue de l’élection présidentielle de 1995, qui doit désigner le successeur du défunt "père de la nation", Henri Konan Bédié s’adjuge le scrutin haut la main, mais Gbagbo n'en a cure : il sait que son tour viendra.

Cinq ans plus tard, le candidat du FPI remporte la présidentielle d'octobre 2000. Lors de la cérémonie d'investiture, son épouse Simone ne peut contenir ses larmes. Compagne de lutte de la première heure dotée d'une forte influence sur son mari au point de le convertir à un évangélisme fervent, la nouvelle Première dame savoure le couronnement de vingt années de combat politique.

À la tête d'une Côte d’Ivoire coupée en deux

A peine parvenu à la tête de l’État, Laurent Gbagbo échappe de peu à un coup d’État. Dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002, des hommes armés venus du Nord profitent de son absence - il est alors en visite officielle en Italie - pour mener des attaques simultanées sur Abidjan, Bouaké (centre) et Korhogo (nord).

Repoussés par les forces gouvernementales, les insurgés se replient à Bouaké, où ils installent leur base. La Côte d’Ivoire est coupée en deux et s’enfonce dans la crise. Les partisans du président pointent du doigt le nordiste Alassane Ouattara qui, dénoncent-ils, bénéficient du soutien de "puissances étrangères", parmi lesquelles la France.

Entraînés par la milice des Jeunes patriotes, les pro-Gbagbo s’attaquent en 2004 aux intérêts de l’ancienne puissance coloniale. Malgré ses appels au calme répétés, le président ivoirien est régulièrement accusé par Paris d’attiser le sentiment antifrançais. Le divorce entre la France et la Côte d'Ivoire est consommé.

Un président qui a pris goût au pouvoir

L’accord de paix signé le 4 mars 2007 à Ouagadougou, au Burkina Faso, vient finalement relancer les espoirs des Ivoiriens éprouvés par cinq années de crise. Laurent Gbagbo annonce la tenue imminente d’une présidentielle qui, pourtant, sera reportée à six reprises.

L’ancien syndicaliste qui avait coutume de battre le pavé est accusé d’avoir pris goût au pouvoir et de tout faire pour empêcher l’organisation du scrutin. Finalement fixée au 31 octobre 2010, l’élection présidentielle oppose, pour la première fois dans la jeune histoire du pays, le trio Gbagbo-Ouattara-Bédié qui domine la scène politique ivoirienne depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny.

Aveuglé par des sondages qui le créditent d’une large victoire, le président-candidat se lance dans la bataille avec la certitude de l’emporter. Laurent Gbagbo se sent imbattable. Le 3 décembre, après une longue attente pour les électeurs ivoiriens, la Commission électorale indépendante (CEI) annonce la couleur : Alassane Ouattara a obtenu 54,1% des voix, Laurent Gbagbo, 45,9%. Mauvais perdant, ce dernier refuse la réalité des chiffres. Et s'entêtera, quatre mois durant, à occuper un fauteuil qu'il mit si longtemps à conquérir.