logo

Sonja Kohn, "l'Autrichienne" dans l'ombre de Madoff

Le liquidateur des biens de Bernard Madoff réclame à la banquière autrichienne Sonja Kohn 19,6 milliards de dollars pour avoir fourni, pendant 20 ans, des clients au financier à l'origine du plus grand scandale que Wall Street ait connu.

Sonja Kohn est devenue, dimanche, la principale cible d’Irving Picard. Le liquidateur de biens de Bernard Madoff lui réclame, en effet, 19,6 milliards de dollars, soit l’intégralité de l’argent perdu par les victimes de l'escroquerie montée par le financier américain.

Méconnue du grand public, cette banquière autrichienne de 62 ans est accusée d’être l’une des principales complices de Bernard Madoff, pour qui elle "rabattait" des clients européens.

Pendant longtemps, Sonja Kohn a réussi à ne pas apparaître au premier plan de ce retentissant scandale financier. En janvier 2009, elle envoyait même un courriel à la rédaction de la chaîne économique américaine Bloomberg assurant qu’elle était "une victime" de cette histoire et qu’elle n’était "pas une amie de Bernard Madoff".

Les 163 pages de la plainte déposée par Irving Picard tendent, au contraire, à prouver qu’elle avait une relation privilégiée avec le financier américain et que, sans elle, "la pyramide de Ponzi [l’arnaque mise en place par Bernard Madoff, NDLR] n’aurait jamais pu continuer aussi longtemps".

"L’Autrichienne de Wall Street"

Sonja Kohn semble avoir surtout été une "as" du réseautage. Dès les années 1960, alors qu’elle montait à Vienne sa première entreprise d’import-export avec son mari Erwin, Sonja Kohn avait ainsi réussi à embarquer dans son affaire d’anciens ministres autrichiens influents.

Une qualité qui s’est révélée très utile lorsqu’elle s’est mise, comme l'affirme Irving Picard, au service de Bernard Madoff. Tous deux se seraient rencontrés pour la première fois en 1985. À cette époque, Sonja Kohn avait commencé à se faire un nom à New York comme "l’Autrichienne de Wall Street". Sans aucun diplôme économique, elle avait réussi à se faire embaucher par Merrill Lynch, un géant de la finance new-yorkaise. Elle aurait appris en autodidacte toutes les ficelles du métier en passant 18 heures par jour à travailler, sauf le samedi que cette juive très pratiquante consacrait au shabbat.

Sonja Kohn est très vite devenue le bras droit européen du financier américain à travers une structure principale, la Medici Bank et une multitude de fonds disséminés en Autriche, en Italie, en Suisse et à Panama. En échange des clients qu’elle rapportait à Bernard Madoff, ce dernier lui versait en moyenne plus de 6,5 millions de dollars par an.

Opacité

Jusqu’à l’éclatement du scandale, la Medici Bank a servi presque exclusivement à fournir des fonds à Bernard Madoff. En plus de 20 ans, cette banque autrichienne a ainsi apporté à son complice américain 9,1 milliards de dollars sans jamais informer ses clients de la destination finale des fonds.

Cette même opacité entourait également la relation entre Sonja Kohn et Bernard Madoff, qui avait détaché un unique employé pour gérer les relations avec sa complice autrichienne présumée, selon les conclusions d’Irving Picard. "Il ne devait jamais révéler à qui que ce soit que des paiements étaient effectués à Sonja Kohn et elle lui interdisait de poster les chèques à son adresse mais insistait pour les récupérer en main propre", explique le liquidateur judicaire américain.

Peu avant la confession de Bernard Madoff en décembre 2008, la Medici Bank avait commencé à diversifier ses sources de revenus afin de prendre de la distance avec son principal partenaire qui représentait jusqu’alors 90 % de ses activités. Cela n'a pas suffi. La banque a été mise sous tutelle judiciaire dès janvier 2009 et a perdu son droit d’exercer en mai 2009. Outre Sonja Kohn, Irving Picard poursuit également plusieurs membres de la famille de la banquière également impliqués dans les activités de la Medici Bank.