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Le prix Nobel de la paix a été symboliquement remis à Liu Xiaobo à Oslo, le dissident chinois et ses proches n'ayant pu se rendre à la cérémonie. Plusieurs responsables ont appelé à sa libération alors que Pékin a dénoncé un "théâtre politique".

"Parce qu'aucune force ne peut arrêter la quête humaine de liberté, la Chine finira par devenir un pays gouverné par l'État de droit, où règneront les droits de l'Homme". C'est ce texte, prononcé par Liu Xiaobo lors de son procès, en décembre 2009, que l'actrice norvégienne Liv Ullmann a lu vendredi à Oslo. Alors que le dissident chinois purge une peine de 11 ans de prison pour "subversion du pouvoir de l'État", le prix Nobel de la paix lui a été remis symboliquement en Norvège.

"Je n'ai ni ennemis ni haine", écrivait encore cet intellectuel de 54 ans. "Le choix de ce texte montre que Liu Xiaobo n'était pas un opposant radical qui voulait renverser le régime mais un opposant modéré, commente Pauline Simonet, spécialiste des relations internationales de FRANCE 24. Il veut réformer le pays sans confrontation violente".

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Thorbjoern JAGLAND, président du comité Nobel

Chaises vides

Le président du comité Nobel, Thorbjoern Jagland, a appelé pendant la cérémonie à sa libération. "Liu n'a fait qu'exercer ses droits civiques. Il n'a rien fait de mal. Il doit être libéré", a-t-il déclaré.

Alors qu'un millier de personnes étaient réunies à Oslo, où une chaise vide et un portrait géant de Liu Xiaobo étaient installés sur la scène de l'Hôtel de ville, aucune image de la cérémonie n'a été diffusée en Chine, les programmes des chaînes étrangères ayant été censurés.

"La grande majorité des Chinois n'est pas au courant de ce prix Nobel parce qu'elle n'a pas accès à cette information, explique Joris Zylberman, correspondant de FRANCE 24 à Pékin. Cela dit, des réactions sont visibles sur l'Internet chinois. Même si Twitter est bloqué, certains savent contourner la censure et ont posté des images de chaises vides. Malgré la surveillance de la cyber-police, des signes de soutien et de protestation sont apparus sur des micro-blogs."

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"LA CENSURE CONTINUE"
À Oslo, le comité du Nobel appelle à la libération du dissident Liu Xiaobo

Choqué par l'attribution du Nobel de la paix à Liu Xiaobo, condamné pour avoir participé à la rédaction de la Charte 08 appelant à la démocratisation de la Chine, Pékin a mené au cours des deux derniers mois une intense campagne diplomatique pour tenter de minimiser l'impact de la cérémonie. Une vingtaine de pays, sur les quelque 70 ayant été invités par le comité Nobel, ne se sont pas rendus en Norvège.

"C'est une grande victoire, estime sur FRANCE 24 Thierry Wolton, auteur de "Le grand bluff chinois". Seuls 19 pays ne sont pas venus. Parmi eux, il y a ceux qui pour des raisons politiques ne veulent pas que l'on parle de la dissidence chinoise, car cela pourrait donner des idées à leurs propres dissidents. Il y a aussi ceux qui ont préféré ne pas être là pour des raisons pragmatiques et commerciales."

Rapport de force 

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Liu Xia raconte sa visite à son mari

Les grands pays occidentaux ont eux participé à la cérémonie. Le président américain et la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, ont également demandé la libération immédiate de Liu Xiaobo. "Il mérite cette récompense beaucoup plus que moi", a ajouté Barack Obama, prix Nobel de la paix 2009.

La France a elle demandé la libération de tous les défenseurs des droits de l'Homme à travers le monde. "La stratégie française à l'égard de la Chine est beaucoup trop timide, a déploré sur FRANCE 24 Jean-Rémy Fardeau, directeur de l'organisation Human Rights Watch Paris. Je n'ai pour l'instant pas entendu le président français prononcer le nom de Liu Xiaobo. Mais la stratégie des associations de défense des droits de l'Homme est la bonne. Il faut combler le fossé entre les déclarations de principe des autorités chinoises, qui ont mis les droits de l'Homme dans leur constitution, et la pratique."

Selon Thierry Wolton, c'est avant tout du rapport de forces entre Chine et Occident que dépendra l'éventuelle libération du dissident. "Si les grandes puissances n'insistent pas et ne répètent pas leur demande de libération, Pékin restera inflexible", juge-t-il.

Vendredi, la Chine a une nouvelle fois dénoncé une ingérence étrangère dans ses affaires intérieures. "Ce genre de théâtre politique ne fera jamais vaciller la détermination du peuple de Chine sur la route du socialisme aux caractéristiques chinoises", a affirmé le ministère des Affaires étrangères.

Tags: Prix Nobel, Chine,