La corruption a explosé ces trois dernières années selon les personnes interrogées par l’ONG Transparency International dans le cadre de son baromètre 2010. Principal accusé : le monde politique. La France est loin d’échapper à ce phénomène.
L’ONG de lutte contre la corruption Transparency international a publié jeudi son baromètre 2010. Principal constat : environ six personnes sur dix estiment que la corruption a augmenté dans son pays au cours des trois dernières années. Le rapport n’est pas fondé sur des faits établis, mais bien sur la perception du phénomène par les citoyens.
Et c’est sur l'Europe que ce baromètre sur la perception de la corruption choque le plus. Pour 73% des personnes interrogées, la situation s’est empirée. L’image de monde politique a le plus souffert de la dégradation de la confiance. Huit personnes sur dix le jugent corrompu, contre 71% en 2004. Mais dans l’ensemble, cette défiance n’épargne personne à l’exception de la justice qui apparaît beaucoup moins corrompue (56% en 2004, contre 45% en 2010).
Daniel Lebègue, président de Transparency International France, analyse ces résultats pour France 24 et en souligne les spécificités françaises.
France 24 : Comment expliquez-vous cette forte progression de la perception de la corruption ?
Daniel Lebègue : La crise a fortement accentué le phénomène. Il faut noter que jusqu’en 2007, la situation s’était améliorée sur le front de la corruption. Nous avons donc assisté ces trois dernières années à un retournement de tendance. Une période durant laquelle le monde a connu l’une de ses pires crises économiques. Ce n’est donc pas un hasard si les plus fortes baisses des indices de confiance concernent le monde financier, de l’entreprise privée en général et de l’autorité politique.
France 24 : Pourquoi l’autorité politique est-elle mise dans le même sac que le monde financier et économique ?
D.L. : Les décideurs politiques ont fait de grandes annonces, notamment lors du premier G20 en 2008. Ils promettaient un grand retour du volontarisme politique pour mettre fin aux dérives du monde financier. Aux yeux des citoyens, ces promesses n’ont abouti à rien. Ce constat d’échec explique la forte dégradation de l’image du monde politique dans notre baromètre. Surtout que pour une partie des personnes la frontière est floue entre impossibilité de réformer et manque de volonté.
France 24 : Est-ce que ces conclusions s’appliquent également à la France ?
D.L. : La France est dans la moyenne des autres pays européens. L’indice de perception générale de la progression de la corruption (66%) ne nous distingue pas de nos voisins. En revanche, il y a une mise en cause bien plus forte du monde politique en France que dans les autres pays "riches". Une spécificité qui s’explique par l’omniprésence des affaires politico-financières. Ces deux dernières années, un ancien président (Jacques Chirac, ndlr) et deux anciens Premiers ministres (Alain Juppé et Dominique de Villepin, ndlr) ont été mis en examen. Ce n’est pas rien ! Cependant, les services publics français jouissent, eux, d’une image bien meilleure que leurs homologues étrangers.
France 24 : Votre rapport constate également une progression de la corruption au quotidien très répandue dans les pays en voie de développement. Qu’en est-il pour la France ?
D.L. : C’est un phénomène relativement neuf mais qui a explosé en France puisqu’il est passé de 2% à 7% entre 2006 et 2010. Certes, la corruption au quotidien, comme payer un pot de vin pour avoir accès à des services essentiels, reste modeste comparée à la moyenne mondiale (25%), mais l’évolution est inquiétante. On constate également une spécificité française puisque chez nous, c’est la police qui est le plus souvent mis en cause dans des affaires de "petite" corruption, alors que dans les autres pays européens, ce sont davantage les services de douanes.