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La France juge la dictature d'Augusto Pinochet à Paris

Quatorze Chiliens sont jugés en France à partir de ce mercredi pour la disparition de quatre Français sous la dictature d'Augusto Pinochet. Considéré comme exceptionnel, le procès sera filmé pour son intérêt historique.

Sur la photo (de gauche à droite, en partant du haut) : Alfonso Chanfreau, Jean-Yves Claudet, Étienne Pesle et Georges Klein.

Depuis ce mercredi, la cour d'assises de Paris se penche sur les disparitions de quatre Français et Franco-Chiliens sous la dictature d'Augusto Pinochet, qui a fait 3 197 morts et disparus entre 1973 et 1990, selon un rapport officiel remis en 1991 à Santiago. Il s’agit de la première audience au monde abordant la nature du régime issu du coup d'État militaire du 11 septembre 1973, appuyé en sous-main par les États-Unis. Considéré comme exceptionnel, le procès sera filmé compte tenu de son intérêt historique.

L'événement suscite aussi beaucoup d’espoir parmi les familles de victimes. "J’ai attendu toute ma vie que justice soit faite”, explique ainsi Natalia, fille d’Alfonso Chanfreau, disparu en 1974. Cette année-là, le 30 juillet, son père, membre du Mouvement de la gauche révolutionnaire (MIR) chilienne, est arrêté à son domicile. Il est ensuite torturé pendant des semaines avant de disparaître. Natalia et sa mère ont, elles, été contraintes à l’exil jusqu'à la fin de la dictature.

Le procès porte également sur les disparitions, entre 1973 et 1975, de Georges Klein, conseiller au cabinet du président socialiste Salvador Allende renversé par la junte militaire en 1973, d'Étienne Pesle et d'un autre membre du MIR, Jean-Yves Claudet.

Le banc des accusés désert

Seul hic : pendant toute la durée du procès, le banc des accusés restera désert. Aucun des 14 Chiliens - presque tous militaires - accusés d'enlèvement et de séquestration avec actes de torture et de barbarie - des faits passibles de la réclusion à perpétuité - n’ont répondu à la justice française.

Certains ont par ailleurs déjà été condamnés dans leur pays pour d'autres chefs d'inculpation et sont détenus ou assignés à résidence au Chili. Pas un seul n'a souhaité se faire représenter par un avocat, comme ils en avaient la possibilité. Le principal accusé est Manuel Contreras, 81 ans, ancien chef de la Dina, la police secrète du régime.

“Nous espérons que ces crimes, ainsi que les criminels qui les ont commis, soient reconnus par la communauté internationale. Et cela même si le procès se tient loin du Chili”, indique Nathalie Chanfreau, qui a fait le déplacement à Paris pour suivre les audiences.

 “Ce n’est pas un procès qui ne concerne que nos familles”, indique Jacqueline Claudet, la sœur de l'une des victimes. “Je pense aux gens qui vivent au Chili et en Amérique latine et qui ne connaîtront jamais ce petit sentiment de justice que nous vivons en ce moment.”

Le système judiciaire français a permis d’aboutir au procès

Outre 12 années d’enquête, deux aspects du système judiciaire français ont permis à l'affaire de se retrouver devant un tribunal. Le code pénal hexagonal d'abord, qui s’applique aux étrangers accusés de crimes commis contre des citoyens français en dehors du territoire. La notion de "crime continu" retenue par les juges français à propos de l'enlèvement des quatre victimes ensuite, qui a permis d'en lever toute prescription.

Reste toutefois que, même si les accusés sont reconnus coupables à Paris, il est fort probable qu’aucun d'entre eux ne se retrouvera jamais dans une geôle française. Pour les familles de victimes, savoir que ce verdict pourrait être commué en peine de prison si l’un d’entre eux quitte le Chili représente, déjà, une première satisfaction.